Assayas, le spécialiste
des films dont on oublie le titre, a encore frappé…
Son avant-dernier film parlait de trois femmes qui se prenaient
le chou sur des histoires de rôle à jouer et à
tenir et s'appelait Sils
Maria, juste le nom du village où se passait l'action
(enfin, l'action, c'est beaucoup dire). Un peu comme si le E.T.
de Spielberg s'était appelé Porter Ranch, du nom du
quartier de Los Angeles où se trouve la maison d'Eliott.
Boarding
gate (un autre film d'Assayas), c'est bien une porte d'embarquement,
non ? Même en n'ayant que peu de souvenirs du film, le rapport
avec le sujet semble un peu flou…
Personal Shopper, c'est l'histoire d'une jeune femme dont
le frère est mort et tente de communiquer avec lui (elle
est medium, ça peut aider). Et le titre du film fait référence
à son métier, choisir des vêtements pour une
star qui n'a pas le temps de le faire (non mais franchement, ça
parle à qui, ce genre de boulot ?). Cette façon de
contourner, par le titre, le vrai sujet de ses films, ressemble
à une afféterie, une minauderie intellectuelle, de
la part d'Assayas.
Il est aussi curieux de constater que le réalisateur, pour
la deuxième fois, filme son actrice préférée
du moment, Kristen Stewart, dans le rôle d'une personne au
service d'une autre. Comme un personnage secondaire qui serait finalement
au premier plan. Au passage, l'actrice en question montre ici ses
limites, elle affiche deux expressions, dans l'une elle montre bien
qu'elle fait la tronche, visage fermé impénétrable,
et dans l'autre elle se mord la lèvre, aïe, elle réfléchit
ou elle est contrariée ou elle est surprise ou elle est contente
(euh… non, jamais contente) ou elle ne pense rien. Tiens,
à ce propos, je ne peux que reprendre les mots de Louise
C. sur ce site, dans sa remarque à propos de Sils
Maria : "elle fait très bien la coquille
vide qui fait semblant d'être remplie".
Bon, et le film dont il est question, alors ? (vous avez vu comme
je fais bien l'Assayas, à parler d'autre chose que du sujet
pour lequel vous êtes venus ici… ;-) )
Ce n'est pas désagréable, il y a une fort belle ambiance,
alimentée par quelques longues plages de silence (on y parle
peu, finalement) et par un très beau travail sur la lumière
et sur le son. Sans être réellement inquiétant
c'est assez mystérieux, on se pose mollement quelques questions
qui empêchent de s'ennuyer. Il y a aussi des accélérations
dans le tempo du récit qui apportent pas mal de contrastes
et la fin laisse le libre choix de son interprétation au
spectateur. Qui est le fantôme ? Y a-t-il un fantôme
? Et vous-même, n'êtes-vous pas un fantôme ? Et
c'est quoi, un fantôme ?
Il reste que le récit, entre son prologue et son épilogue,
peut perdre le spectateur en multipliant les esquisses d'intrigues
et en voulant jouer sur tous les tableaux : épouvante (légère),
polar (éventé), mode (et que je te place du produit
de luxe…), références culturelles (Hugo -grand
moment de poilade intérieure avec Biolay en Totor-
et une peintre inconnue Machine-Bidule af Klint -pas
Klimt, hein !- dont on se demande si elle est vraie ou pas
-eh bien si, elle
existe-), et quand même, ouf, parce que ça
reste le principal, psychologique. Mais là c'est raté,
parce que pour la question du deuil, les films récents sont
légion à faire cent fois mieux, de Premier
Contact à Une
semaine et un jour en passant par Réparer
les vivants ou Frantz....
Ah, une dernière chose. L'actrice qui joue la compagne du
frère décédé s'appelle Sigrid
Bouaziz. J'aime beaucoup cette actrice.