Premier long métrage de
sa réalisatrice, Ava a un sacré caractère.
Tourné avec de la pellicule et pas en numérique, et
de ce fait doté d'une image à la lumière chaude,
contrastée, tellement riche… Comment c'était,
le cinéma d'avant le numérique ? Comme ça ?
Alors on perdu quelque chose, non ?
Mais Ava n'est pas qu'une succession de belles images,
et d'ailleurs elles ne sont pas toutes belles, elles sont surtout
marquantes, elles éclatent, elles sont furieuses et douces,
elles sont hyper réalistes, puis oniriques, elles sont capables
d'emporter. Ava n'est donc pas que lumière, Ava
c'est aussi une ambiance sonore, une musique de percussions et de
violoncelle, parfois pas tout à fait de la musique et puis
soudain, si. Avec quelques surprises, aussi, comme… eh, mais
si je vous le dis, ce ne sont plus des surprises. Sachez seulement
que ça déménage et que ça caresse, et
qu'il ne faut pas s'étonner qu'une chanson, tout à
coup, devienne le moteur d'une scène. On se dit là
que la réalisatrice a une foi dans son cinéma, dans
sa façon de tenir une émotion avec presque rien, une
image mouvante, une mélodie entêtante, et un instant
saisi qui dure encore après la fin de la projection.
Ava, c'est aussi bien sûr une histoire, qui fait
penser un peu à celle de La
permission de Minuit, une enfant déjà grande
atteinte d'une saloperie de maladie qui lui fait perdre la vue;
dans La permission de Minuit, la maladie n'était
pas celle-ci, mais il y avait un enfant qui luttait avec la vie
et qui en découvrait quelques délices, comme ici…
La cécité galopante fait partie du récit mais
jamais elle ne fait s'apitoyer le spectateur, elle n'est pas le
sujet du film. Ava c'est surtout la découverte de
la liberté, du sentiment amoureux, de la soif de vivre, l'histoire
elle-même est pleine de trous, de facilités, d'errements
(en particulier dans le camp gitan), de redites, mais chaque morceau
de ce fil de vie est un petit bonheur et la fin bascule dans un
certain lyrisme romantique, il fallait oser…
Les personnages n'ont rien d'attendu, la mère est une calamité
de mère et c'est Laure Calamy ;-) qui lui donne cette personnalité
irresponsable, aimante et pourtant insupportable. Le jeune homme
pourrait n'être que beau, ténébreux, voyou et
mystérieux, il est aussi d'une grande douceur, avec de la
candeur et une part féminine en lui. Et celle qui porte le
film, c'est Noée Abita, certes plus âgée que
son personnage mais qui fait croire à son enfance qui s'envole,
un mélange d'insouciance, de gravité, de révolte
joyeuse…
Ce film, c'est Zéro de conduite, Les
Ogres et Les
bêtes du sud sauvage réunis, et c'est aussi
et surtout le premier film d'une sœur artistique de Julia Ducournau,
réalisatrice de Grave.
A quelques mois d'intervalle, voici deux œuvres marquantes
de deux artistes sorties de la FEMIS, sacrée pépinière
de talents !