C'est d'la bombe. C'est du cinéma,
du vrai, du sanguin, du qui remue, qui vous retourne, inventif,
contrasté, étonnant, provocateur, effrayant, réjouissant,
à ne pas mettre devant tous les yeux. Le scénario
à la lisière du fantastique, sans jamais tout à
fait y basculer, est de ceux que vous ne pouvez pas deviner, les
personnages sont imprévisibles, déroutants, dérangeants
et pourtant terriblement (c'est le mot) attachants… La façon
de raconter l'histoire n'est pas inédite, c'est l'énergie
qui s'en dégage qui scotche le spectateur. Il ne s'agit pas
d'un récit mené à cent à l'heure sans
vous laisser aucun répit, malgré la densité
incroyable il y a des respirations, des bouffées d'air, des
scènes intimistes et tendres, des personnages que l'on ne
voit que trente secondes (un vieux et son dentier, inénarrables…)
ou trois minutes (une infirmière, presque hors récit,
mais finalement non, et l'émotion qui s'en échappe…),
des scènes qui basculent quand on ne s'y attend pas…
ici pas de montées sonores avec des portes qui claquent,
non, le malaise vient de tout à fait autre chose que des
recettes éprouvées. On devrait filmer les spectateurs,
on les verrait s'arrêter de respirer, ne plus ciller, bouche
bée, en attente… La réalisatrice sortie de la
FEMIS a une foi fabuleuse en son cinéma, elle ose, elle joue
avec les poncifs du film de genre, les retourne, les associe à
quelque chose d'éminemment romantique, tragique, et instille
une sacrée dose d'humour dans l'horreur absolue, sans pourtant
chercher le gag qui dynamiterait tout et ferait tomber la tension.
Il y est question de cannibalisme, difficile de ne pas l'apprendre
avant d'assister à une projection. Mais réduire le
film à cela, c'est ne pas voir toute la dimension métaphorique
de l'évolution du personnage, de sa relation avec les membres
de sa famille, de son éveil sexuel, de son passage à
l'âge adulte, de ce qu'est le sang pour chacun de nous, la
blessure (physique mais aussi morale), le cycle féminin,
la filiation, ce qui nous fait vivre. Parler de l'essentiel, de
la Vie, en faisant semblant de vouloir faire peur, c'est un formidable
projet, abouti pour la réalisatrice comme pour ses interprètes,
Garence Marillier en tête, boule de nerfs et d'expression,
brindille en apparence, phénomène surdoué.
