Retrouver Vincent Lindon et Emmanuelle
Devos, c’était presque l’assurance d’une
dégustation émouvante, après le formidable pas
de deux qu’ils avaient offert aux spectateurs dans "ceux
qui restent". Tant pis pour la maladie, qui allait sans doute
être bien lourde et lester le film, et puis cet adolescent aux
faux airs de Mowgli, on allait l’oublier pour ne voir qu’eux,
Vincent et Emmanuelle…
Mais au bout de quelques minutes, il faut se rendre à l’évidence,
Emmanuelle Devos n’aura qu’un rôle secondaire, primordial
pour le déroulement de l’histoire et le tournant de l’histoire
du personnage joué par Lindon, mais restant au second plan.
La relation entre le médecin et le malade (l’adolescent)
est au centre de tout, et elle vous prend à la gorge, et pourtant
sans scènes larmoyantes, sans pitié malvenue. Lindon
est énorme, absolument énorme. En un regard, une hésitation,
un timbre de voix qui dérape, c’est une émotion
venue de loin qui vous tombe dessus, vous assomme, vous laisse comme
hébété, hagard. Le jeune Quentin Challal qui
joue Romain parvient à se hisser à la hauteur de son
partenaire, en étant parfaitement naturel, ne montrant pas
de douleur mais une envie de vivre, une soif de plaisirs, de sensations,
d’amour… Autour de ce duo se construit un récit
peut-être un peu bancal, mais allant à l’essentiel,
avec des scènes formidablement contrastées, passant
de la colère à l’apaisement en un quart de seconde.
La mise en scène est au service des émotions, la caméra
peut se rapprocher des personnages et privilégier les gros
plans lorsque l’intimité est nécessaire, avec
un montage nerveux, sec, au plus près des dialogues et des
silences. Mais l’ambiance peut aussi être toute autre,
comme lors d’une scène magnifique sur un chemin dans
la neige, il y a là soudain un espace gigantesque, une vision
presque onirique de quelques silhouettes masquées, enfants
de la lune marchant en pleine lumière.
Les autres personnages, en particulier la femme du médecin
et la mère du malade, incroyablement justes, apportent aussi
leur lot d’émotions qui restent gravées, inscrites
dans la durée.
C’est un film qui prend par surprise, un peu brutalement. La
maladie est plus suggérée que véritablement montrée,
elle n’est finalement que le prétexte pour décrire
le lien indéfectible entre deux êtres, véritable
relation d’amour sans ambiguïté, sans désir,
mais d’une force terrible. Merci à la réalisatrice,
Delphine Gleize, de nous avoir fait sentir cela.
Attention, il y a dans ce film une scène qui m’inonde
de bonheur, parce que… et puis non, je ne le vous dis pas là,
il vaut mieux sans doute l’avoir déjà vue, alors
allez au cinéma, revenez chez vous et voyez si vous l’avez
prise comme moi… l’inattendu
au cœur d’une scène.