Le précédent film
du réalisateur,
Snow therapy, était un vrai pavé dans la
neige, grinçant et limpide en même temps. Ce "carré"est
lui aussi tout à fait singulier, mordant, pouvant créer
une étrangeté entre rire gêné et franc
dégoût. C’est la vie du conservateur d’un
musée d’art contemporain qui nous est donnée
à voir, accumulant les soucis, anodins ou carrément
chaotiques, les uns entraînant les autres. Le personnage a
quelque chose d’un peu cliché, un intellectuel ayant
de belles valeurs humaines mais devant aussi parfois les sacrifier
et devenant du coup très pragmatique, avec une efficacité
pourtant discutable. Facile à moquer, donc. Les scènes
s’enchainent, pas toujours liées mais souvent étonnantes,
jusqu’à un certain point : la provocation, la recherche
du malaise chez le spectateur ou le politiquement incorrect deviennent
au bout du compte un peu systématiques et perdent peu à
peu de leur piquant, l’effet de surprise s’émousse
lorsqu’on a compris au début de chaque nouvelle séquence
qu’elle ne se passera pas comme on pourrait s’y attendre.
De plus, au contraire de Snow therapy centré sur
la relation au sein du couple, le récit part dans toutes
les directions, certaines anecdotiques et comme détachées
de l’ensemble. Ainsi, la scène phare du film, illustrée
sur l’affiche, mettant en scène une performance artistique
d’un goût particulièrement douteux (on est en
droit de penser que le "performer"qui mime l’animal
sauvage et va finalement jusqu’à la tentative de viol
est un sinistre personnage, or ceux qui interviennent finalement
pour empêcher le crime sont filmés comme une meute
mal agissante… le procédé a quelque chose d’assez
immonde) ne semble pas influer sur le cours des événements
et sur l’évolution du personnage principal.
Le film peut faire parfois penser au sublime La
grande bellezza, par son thème et l’organisation
du récit (le quotidien d’un mondain dans un univers
où prime l’aspect culturel des choses), mais sans la
grâce, sans la beauté, sans la tendresse pour les personnages.
Il y aussi quelque chose du très beau film Toni
Erdmann parce qu’on assiste à la remise en
cause de tout ce qu’un individu a construit pour exister socialement,
mais là aussi il manque une bienveillance à l’égard
des personnages qui sont ici cueillis en plein déséquilibre
et presque toujours ridiculisés par le réalisateur.
A trop charger le portrait d’une déchéance,
celle-ci perd de sa virulence. Trop d’acidité, au final,
tue la saveur.