Grinçant, acide, glacial
et délectable… Voici un film qui emmène le spectateur
là où il ne s'attend pas. Il est question d'une avalanche
et des dégâts qu'elle cause, non pas matériels,
mais psychologiques. Une famille en est la victime. Une famille
suédoise en vacances hivernales dans une station de ski haut
de gamme, dans les Alpes. Une famille idéale, en harmonie
avec elle-même ? pas exactement, et cela se sent dès
les premiers instants, au cours d'une scène de pose photographique
étrange et drôle, où l'insistance du photographe
peut créer un effet comique mais aussi un malaise…
Toute l'ambiance de ce qui va suivre est là : il y a matière
à s'amuser de la situation, des rapports entre les personnages,
et pourtant une gêne diffuse nuance la vision que l'on peut
en avoir.
La station, étrangement déserte, fournit un décor
très étonnant. Les pistes de ski, larges, vidées
de tout autre skieur, ont un aspect presque théorique, comme
un éden alpin où il est impossible d'être mal
à l'aise, de même que l'hôtel qui héberge
la famille, tapissé de bois neuf, craquant, d'une chaleur
sèche donnant une impression de luxe simplifié, une
ambiance très zen, d'un calme (presque) absolu. Mais tout
est dans ce (presque) : les quatre membres de la famille morts de
fatigue après la première journée de ski, avant
l'avalanche donc, étalés tous sur le même lit
parental, peuvent donner l'illusion d'une union limpide. Mais un
téléphone qui vibre, quelques mots échangés,
des sourires, et l'on sent des craquelures dans la façade
si lisse.
L'événement impressionnant qui intervient plus tard
dans le séjour n'est donc qu'un révélateur,
un déclencheur sur une situation déjà en place.
Dans ce qui suivra, la place de l'homme dans la famille, dans le
couple, sera au premier plan, mais c'est bien tout l'équilibre
des relations qui est questionné… Le réalisateur
se pose en observateur de ce qui se passe, comme un chercheur apportant
un élément perturbateur dans un milieu naturel et
notant scrupuleusement les changements, petits ou grands qui en
résultent. Sa mise en scène est pleine d'audaces,
dans les cadres, les longueurs assumées, les silences dans
les conversations, dans les transitions parfois brutales, dans les
quelques absence d'explications, dans l'aspect volontairement irréel
du contexte. Il y a quelque chose qui s'apparente à un cinéma
d'épouvante mais aussi à l'étrangeté
des premiers films des frères Coen, utilisant un humour froid,
distancié, cruel. Le travail sur le son est incroyable, le
feutré des ambiances neigeuses est rendu à la perfection,
l'intrusion récurrente d'un morceau célèbre
de Vivaldi (dans baroque, on entend rock…) apporte un côté
percussif à l'ensemble, c'est le film parfait… avec
peut-être une fin un peu bancale, ou glissante, qui laisse
le spectateur un poil dubitatif.
Mais cette légère déception, c'est peanuts
au regard de tout ce qui a précédé. A ne pas
conseiller à une petite famille en partance prochaine pour
des vacances à la neige… ou si, peut-être.