Est-ce l'année (2012,
celle de la fin du monde…) ou bien quelque chose qui flotte
dans l'air ? la mode est aux films apocalyptiques. Pas ceux gonflés
aux effets spéciaux et qui racontent toujours la même
histoire, celle de loosers (américains, forcément
américains) qui sauvent le monde ou ce qu'il en reste, avec
des wagons de bons sentiments et une Humanité réduite
aux bons et aux mauvais. Non, pas ceux-là. Plutôt "Melancholia",
ou bien "Another
earth", comme une façon de voir un monde qui s'éteint
avec une poésie et une délicatesse parfois douloureuses,
parfois splendides, toujours surprenantes.
Perfect Sense s'inscrit dans cette veine, mais pas tout à
fait. Ici, l'extinction vient de l'intérieur, un à
un les sens disparaissent, l'odorat en premier, puis viennent les
autres. Aucune explication scientifique n'est donnée, la
façon dont les choses arrivent pourrait parfois prêter
à sourire mais on s'en moque, il s'agit d'une histoire, c'est
du cinéma (au sens le plus noble du terme), le réalisateur
ne cherche pas une quelconque crédibilité, le spectateur
-s'il parvient à s'en laisser conter- ne regrettera pas le
voyage…
Si le récit se contentait de montrer ces pertes inéluctables,
leurs conséquences et les différentes réactions
des humains, cela serait certes plutôt intéressant
(et inédit, semble-t-il), mais il y a en parallèle
une histoire d'amour, une histoire qui sans la perte des sens, ne
serait rien d'autre que la naissance d'une relation comme il y en
a tant de part le monde, avec ses hauts et ses bas, ses extases
et ses terreurs intimes…
Le film prend une dimension incroyable avec la coexistence des deux
histoires, d'une part celle de l'Humanité qui perd ses repères,
son sens, ses raisons de continuer à vivre… et d'autre
part celle de deux êtres qui malgré tout (et peut-être
même à cause de tout) s'aiment et goûtent pour
la dernière fois aux bonheurs infinis de tous les petits
riens, un regard, un mot, un souffle sur la peau, un soupir, une
larme…
Le réalisateur ose le romantisme, il dit ce que tant d'autres
ont clamé avant lui, le Monde n'a pas de sens sans amour.
Mais ici, le sens est multiplié, il est pris au pied de la
lettre et à ce titre, le film se rapproche de façon
surprenante d'un autre chef d'œuvre, "l'étrange
histoire de Benjamin Button", où le sens des choses
avait une importance magnifique et désespérée.
Ewan McGregor et Eva Green, comme Brad Pitt et Cate Blanchett, sont
des amants sublimes, aux prises avec le temps et son inéluctable
meurtrissure (la perte des sens, n'est-ce pas, en quelque sorte,
une image de la vieillesse ?). Sublimes parce qu'en dépit
des épreuves, de la vie qui perd de son sel, ils continuent
à s'aimer, avec une douceur infinie.