Trois films en un, le meilleur
est le plus court et vient en premier. Cinq minutes proprement hallucinantes
(et ici, le terme n'est pas galvaudé), d'une beauté
impitoyable, dans une sorte de prologue lugubre et splendide. C'est
absolument poétique (images sublimes), terriblement romantique
(Wagner !!!), lumineusement sombre (la fin du Monde, quand même…).
Cinq minutes qui valent à elles seules le déplacement,
cinq minutes à voir et à revoir, mortellement créatives.
Le deuxième film est beaucoup plus long, une heure sans doute.
On pense à Festen, sauf que l'anniversaire est ici remplacé
par un mariage sinistre, dans un manoir froid silencieux. La mariée
cache très bien sa déprime au début, beaucoup
moins ensuite… Sa vision de la vie n'est pas dévoilée,
pas d'explication à ses angoisses, pas de justification de
son absence (d'esprit d'abord, puis de corps). Le rapport avec la
fin du Monde annoncée en préambule paraît assez
flou, mais on est tout de même intrigué par ce personnage
pas très attachant, mais suffisamment mystérieux pour
exciter l'intérêt. Kirsten Dunst emmerde tout le monde,
mais comme tout le monde a l'air soit trop gentil, banal et sans avantages
(le marié, le petit garçon…) soit égoïste
et au moins aussi pénible qu'elle (les parents, le patron,
…), on la comprend, on finit même par souhaiter qu'elle
plaque tout et s'en aille toute seule affronter la fin du Monde qui
n'en finit pas d'arriver.
Le troisième film est centré sur la sœur de la
mariée, qui est un ange (Charlotte Gainsbourg, bien choisie…).
Elle a organisé les festivités, a géré
les sautes d'humeur de sa sœur, a presque gardé son sourire
de bout en bout, et lorsque sa dépressive de frangine revient
chez elle avec une tête de déterrée, elle se met
en quatre pour elle. Mais rapidement, c'est bien l'arrivée
de la planète Melancholia qui prend le dessus dans le récit.
On pense alors à tout, sauf à Armageddon. L'attente
de l'événement redouté, ou souhaité, et
de toutes façons inévitable, est filmé sans aucune
échappée vers l'extérieur, on ne saura rien d'autre
que ce que vivent les deux sœurs et le fils de l'une d'elle.
Plus la fin se rapproche et plus la mise en scène et le récit
vont vers l'épure… et lorsque tout est terminé,
achevé, démesurément englouti, on se surprend
soi-même à se trouver encore vivant.
Plus qu'un film, c'est une expérience aux images rémanentes,
quelque chose comme un cauchemar éveillé. On peut rester
extérieur à cela, on peut aussi être absolument
fasciné, mais on ne peut qu'admettre qu'il s'agit d'un cinéma
hors normes, un cinéma extraordinaire, vraiment.