Si le cinéma s'empare
à nouveau d'une histoire comme celle de Captain
fantastic ou bien de celle de l'affaire Fortin (Vie
sauvage, la belle vie),
ce n'est pas par hasard. Cette auto-exclusion de la société,
ce refus de vivre au milieu des autres avec le confort de son époque,
cette volonté d'une existence en communion avec la nature,
c'est bien une réponse possible au questionnement face à
la croissance sans fin, aux aberrations de l'Humanité lorsqu'elle
se dirige droit dans le mur sans ralentir, sans proposer ou essayer
des alternatives. À chaque histoire ses propres tenants et
aboutissants, les raisons initiales de la décision de s'échapper
peuvent être multiples : une séparation, une maladie...
ici un traumatisme dû à un passé de soldat...
mais à chaque fois une constante, il s'agit toujours d'un
père avec un ou plusieurs de ses enfants, et lorsque l'enfance
fait place à l'adolescence, c'est un tournant, une rupture
dans l'aventure. Sous une apparence de retour à la terre,
de décroissance assumée ou de bascule écologique,
se cache un autre thème : la paternité à l'épreuve
du changement de ses propres enfants, l'impossibilité pour
certains de se tenir à la hauteur du bouleversement que représente
le passage à l'âge adulte, la confrontation entre les
rêves des pères et les désillusions des enfants...
et vice-versa. "Ne laisse pas de trace" n'est pas alors
qu'une injonction pour rester caché dans la forêt,
c'est peut-être aussi un appel au respect de chacun, une façon
de vivre une relation parent-enfant sans empiéter sur les
désirs l'un de l'autre. C'est probablement impossible. En
tout cas, le film a le grand mérite d'aborder la complexité
de cette relation, avec finesse et sans donner de réponse
toute faite.