Voici un film d'anticipation
qui raconte une fin du monde, une de plus, mais celle-ci sans aucun
effet spécial, sans vilaine bébête, sans explication
non plus de la soudaine disparition de tous les humains. Enfin,
pas tout à fait tous, sinon il n'y aurait pas de film. Et
d'ailleurs, la fin du monde, ou plutôt celle d'un monde, n'est
pas vraiment le sujet. Il s'agit certes de l'exploration d'un passage
d'un univers à l'autre, ou comment un homme englué
dans une vie de merde (boulot, famille, relations amoureuses, estime
de soi, tout va de travers) se reconstruit en tissant d'autres liens
avec la nature qui l'entoure, celle ci n'étant plus simplement
un décor agréable, mais une source de vie.
La très longue (trop ?) première partie, exposant
les malheurs du personnage principal et la triste façon qu'a
ce dernier de les subir, n'épargne pas le spectateur, certaines
scènes sont carrément sordides mais probablement utiles
pour goûter la suite… celle-ci évite tous les
clichés de ce type d'histoire, donnant à voir une
adaptation humaine à une brutale décroissance tout
à fait crédible. Le personnage n'a rien à voir
avec un Mad Max en mode survie dans un monde hostile, et
pas non plus un de ces ermites volontaires qu'on a pu voir dans
Leave no trace,
Vie sauvage ou
Captain Fantastic…
Juste un type ordinaire qui se débrouille comme il peut et
découvre des joies nouvelles dues à sa solitude forcée.
Puis, lorsque cette solitude est brisée, le film atteint
une autre dimension, réinvente les rapports de couple, le
récit est plein de surprises, tout peut arriver car il n'y
a plus de conventions et pourtant les questions essentielles concernant
l'amour, la vie commune et toutes ces sortes de choses… sont
bien là, posées avec une acuité nouvelle, comme
si elles prenaient un sens universel, délestées des
contingences sociétales. C'est donc fort intéressant,
mais pas que : il y a du merveilleux inattendu, du romantisme inversé,
du lâcher prise, de l'humour dérisoire. Film singulier,
qui parle des humains avec tendresse, finalement.