Un autre monde **

Stéphane Brizé

L'histoire

Un cadre d'entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix professionnels de l'un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction.

Avec

Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon, Marie Drucker

Sorti

le 16 février 2022


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Un monde insensé

 

Après La loi du marché, et En guerre, voici un autre opus du tandem Brizé Lindon, sur le thème, pour le dire vite, du monde du travail. Lindon, après avoir revêtu les habits d'un vigile puis d'un syndicaliste, enfile le costume d'un cadre dirigeant d'une multinationale. Totalement impliqué et crédible, il impose son personnage avec une subtilité inouïe, comparable à celle d'Olivier Gourmet dans Ceux qui travaillent. Son interprétation fait beaucoup pour la réussite du film, mais pas seulement. Stéphane Brizé, à force de creuser le sujet des conditions de travail qui brisent des vies, affine, épure, éclaire sa mise en scène pour livrer une oeuvre d'orfèvre. C'est concis (à peine plus d'une heure trente) et pourtant le récit est formidablement précis, rythmé, prenant : de nombreuses scènes s'achèvent avant leur dénouement et les décisions qui en découlent, ce qui crée toujours un suspense, une tension dès le début de la scène suivante. Le message de Brizé et de son scénariste est connu, les actionnaires ne sont jamais montrés mais il est clair que ces derniers ainsi que l'organisation du marché capitaliste sont désignés comme coupables de la plupart des maux de notre société occidentale. Peut-être ce message ne parlera qu'à ceux qui en sont déjà convaincus (j'en suis), mais la force avec laquelle il est asséné, répété, mis en lumière, pourra sans doute en faire basculer quelques autres. Le scénario ne réserve pas beaucoup de surprises, c'est l'histoire implacable de quelques personnes avides d'argent et de pouvoir dont les exigences intenables sont répercutées d'exécutant en exécutant, jusqu'à ce que le système ne soit plus qu'une machine infernale qui produit plus de mensonges et de dépression que de croissance… cette satanée croissance qu'il faudra bien un jour inverser pour que le monde guérisse de sa plus grave maladie, l'Humanité.
On en sort défait, plombé, irrémédiablement pessimiste ? Eh bien non. Brizé, avec l'aide d'un Lindon énorme, lâche un grain de sable dans la machine à broyer, un grain de sable qui fait du bien. La résistance est possible, elle implique quelques sacrifices, des renoncements. Le personnage de Lindon dans ce film a la possibilité de ce renoncement, de cette résistance. Il ne l'avait pas dans En guerre. Et les fins de ces deux films, si différentes l'une de l'autre, en disent beaucoup sur l'analyse que fait Brizé du monde insensé dans lequel on vit.

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