Filmé comme un documentaire,
jouant avec les codes des images que l'on peut voir lors de conflits
sociaux mais n'oubliant pas d'être un long métrage
à destination de spectateurs, En guerre est une
œuvre lourde, puissante, éprouvante, et terriblement
violente. Non pas de cette violence physique qui émaille
bon nombre de productions cinématographiques, non, une violence
plus sourde, tapie sous le couvert des lois, une violence institutionnelle,
un rouleau compresseur financier, économique, d'une force
terrible. Lorsque des ouvriers se battent pour éviter la
fermeture de leur usine (pourtant rentable), ils se heurtent à
un mur, des types qui parlent doucement et qui ont pourtant les
mots qui tranchent, des individus qui n'ont que la loi du marché
et les bénéfices pour valeurs. Les ouvriers, eux,
ont le verbe haut, parfois injurieux, et en dernier recours, s'expriment
par une violence physique, une violence de pauvres, beaucoup plus
spectaculaire que leurs adversaires tout puissants (et du coup,
repassée en boucle sur les réseaux sociaux et les
chaines d'informations) mais beaucoup moins efficace, une violence
vaine, désespérée, dérisoire et inutile
bien sûr mais tellement compréhensible parce que leur
colère est immense face à ceux qui tuent à
petit feu, qui broient des vies, des familles, des amitiés,
et qui savent qu'au final, ils auront gain de cause. Ce n'est absolument
pas drôle mais c'est d'un bout à l'autre passionnant,
le spectateur est happé par tout ce qui se passe, par tout
ce qui se dit, par la façon dont les choses sont dites. Lindon
est énorme, d'une crédibilité hallucinante,
et sa performance est d'autant plus remarquable qu'il est entouré
de comédiens non professionnels qui interprètent pour
les uns des ouvriers, des syndicalistes embarqués dans la
même galère que le personnage joué par Lindon,
pour les autres des dirigeants qui passent leur temps à en
gagner, parce qu'ils savent que la lassitude et la désunion
viendront à bout de la révolte. Et toutes ces personnes
sont incroyablement justes.
La guerre est bien là, la lutte des classes veut encore dire
quelque chose, et l'absurdité de la doctrine économique
dominante est criante. Cela fait bien plus peur que n'importe quel
film d'horreur.