Ceux qui travaillent **

Antoine Russbach

L'histoire

Cadre supérieur dans une grande compagnie de fret maritime, Frank consacre sa vie au travail. Alors qu’il doit faire face à une situation de crise à bord d’un cargo, Frank, prend - seul et dans l’urgence - une décision qui lui coûte son poste.

Avec

Olivier Gourmet, Adèle Bochatay, Louka Minnella, Isaline Prévost, Delphine Bibet, Michel Voïta

Sorti

le 25 septembre 2019


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Monstrueux, complexe, humain

 

Parce qu’ils travaillent, ceux qui travaillent ont tous les droits, en tous cas plus de droits que ceux qui ne travaillent pas, les fainéants ou ceux qui agissent sans réfléchir. Mais parce qu’ils travaillent, il est normal aussi qu’ils soient oppressés, submergés, exploités... et parce que d’autres veulent prendre leur place, ils doivent énormément travailler, tout assumer, en faire plus que ce qu’on leur demande, quitte à déraper. Le scénario est terrible, âpre, sans concessions, il suit un personnage dont on comprend seulement peu à peu comment il en est arrivé là, un self-made-man bourreau de travail, buté, rigide, compétent, dévoué, mais n’ayant pas tout à fait renoncé à sa vie de famille : il y règne en chef de tribu, imposant des réveils brutaux à ses ados mais aussi capable de générosité, privilégiant la belle relation qu’il a avec la cadette. L’homme est humain, c’est à dire porteur de valeurs irréfutables, mais également un monstre, fort et fragile, déterminé et plein de doutes. Olivier Gourmet à la carrure et les failles pour jouer cela, mieux, pour être cet homme et nous le rendre proche, réel, avec toute sa complexité. Les situations dans lesquelles son personnage se débat sont parfaitement crédibles, elles ne sont pas simplifiées, elles ont l’odeur d’un monde qui va mal, une société où le progrès n’est pas créateur de mieux-être, un univers où tout le monde finit par faire du mal autour de soi. Ça ne donne pas un moral d’enfer, c’est le moins qu’on puisse dire, mais question cinéma, c’est formidable de maitrise, avec des aspects qui font penser aux œuvres de Farhadi, et à celles de Haneke.

 

Vos commentaires pour ce film

Olivier Gourmet, impeccable, mâchoires serrées, un peu mystérieux ou austère dirige le ballet des cargos, qui du bout du monde, transportent tout ce que nous consommons.
Une analyse impitoyable… du monde des entreprises de logistique, de la société de consommation
Une analyse réaliste de «nous », qui acceptons, en fermant les yeux sur « livrés sans délai et à prix cassés », d'acheter des produits importés de l'autre bout du monde.
Une fin très noire où il vend son âme pour garder son train de vie avec sa « famille de monstres indifférents».
Implacable démonstration avec beaucoup de silences, bien filmée, impossible de rester insensible, j’aime ce que dénonce ce film.


Dominique P, le 3 octobre 2019



Ceux qui veulent se marrer, … passez votre chemin. Ceux qui ont envie d’être emmenés par une fiction poétique, du genre films islandais du moment, … changez de trottoir.
Là, c’est du lourd, du brutal.
On ne quitte pas Olivier Gourmet d’une semelle. Il est sombre, déterminé, mécanisé. Il travaille, gagne de l’argent, entretient une grande famille dans le luxe et les illusions. Il sait d’où il vient.
Mais la machine s’enraye. Il est contraint à un « pas de côté ». Il ne change pas vraiment mais gagne en lucidité. Et il est seul.
Le film donne une vision du monde assez terrible, de violence et de cynisme ; une mécanique implacable et déshumanisante.
Sur ce terrain là (qui peut donner envie de foncer dans la salle d’à côté revoir au plus vite un Miyazaki), c’est un bijou. Ciselé à la perfection. Olivier Gourmet et parfait. Tout se joue sur quelques regards, une esquisse de sourire, le dos qui se voute à peine, un souffle.


Thierry D., le 1er octobre 2019

 

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