Réunir Huppert et Depardieu,
les envoyer dans un décor incongru, leur tricoter des dialogues
parfois dérisoires, parfois grandiloquents dont ils se sortent
avec grâce (ce ne sont pas les premiers venus…) et ne
pas oublier de rajouter, en toile de fond, une sorte de vague histoire
de fils disparu mais c'est pas sûr… tout cela sent la
bonne recette à plein nez pour décrocher un prix à
Cannes : raté, pas de prix. Pour émouvoir les foules,
alors ? Oups, raté aussi. Pas une seule occasion de vraiment
s'émouvoir. Quand Huppert commence à geindre et à
verser dans le pathétique, c'en est presque gênant.
Pour séduire les critiques ? A moitié réussi,
on est bien loin du déluge dithyrambique probablement attendu.
Le film souffre cruellement d'une sensation multiple d'écrasements
divers. En premier lieu comme une évidence, les acteurs,
la caméra, les couleurs, tout semble écrasé
par la chaleur, omniprésente. Ça ruisselle de sueur,
Depardieu cherche désespérément de l'ombre,
et le chef opérateur rame pour sortir quelques nuances de
ce trop plein de lumière. Même les scènes nocturnes
n'apportent aucune fraicheur.
Le scénario, ensuite, se fait carpette devant les deux monstres.
D'ailleurs, il n'a même pas cherché à en faire
des personnages. Ce sont Gérard et Isabelle, acteurs très
connus, qui se baladent dans la vallée de la mort, reconnus
parfois par un touriste. Et comment ne pas penser, lors des échanges
entre ces deux-là, à leurs identités, non pas
comme protagonistes d'un récit, mais bien en tant que Depardieu
et Huppert, qui font exactement ce qu'ils savent faire.
Et dans cet étalage de leurs talents respectifs, Depardieu
écrase Huppert. Elle est rêche, fermée, pas
crédible lorsqu'elle s'écroule, faussement plus jeune
qu'elle ne l'est, un peu exaspérante lorsqu'elle passe du
ton de la comédie bas de gamme dans lesquelles elle se vautre
parfois (Tip Top) au hiératisme
momifié des films intellos pénibles (Villa
Amalia)…
Lui, malgré les turpitudes de sa vie privée, reste
un acteur à la présence magique. Enorme, dans tous
les sens du terme, il parvient à montrer de la fragilité
sous la graisse, un sourire derrière la douleur, une fêlure
sous l'assurance.
Quand au mystère du fils disparu, ça n'est plus de
l'écrasement dont il est question, c'est un bain de ridicule,
proprement ahurissant de dédain pour ceux venus chercher
ne serait-ce qu'un début de solution au problème posé
par le sujet du film.