Un Desplechin… Certains
s'y précipitent, avec un a priori très favorable,
presque une bénédiction aveugle pour ses œuvres,
forcément géniales, pendant que d'autres fuient ses
films, trop intellos, à mourir d'ennui.
"Un conte de Noël"
et "Rois et reine" sont pour moi des merveilles d'inventivité,
d'humour, d'émotion, d'intelligence… tandis que "Jimmy
P", ou "Comment je me suis disputé…"
m'ont laissé de glace. Ces "souvenirs" de Paul
Dédalus, sorte de double du cinéaste, comme l'était
Antoine Doisnel pour Truffaut, rejoindront la deuxième catégorie
: même pas de quoi se faire des nœuds au cerveau, juste
l'occasion de s'ennuyer en se demandant pourquoi, non, vraiment
pas, ça ne fonctionne pas…
Les deux premiers épisodes, l'enfance et le voyage en URSS,
ont pourtant de quoi éveiller l'intérêt du spectateur
: aspect irréel, parfois théâtral, jeu d'acteurs
renvoyant aux belles heures de la nouvelle vague, rythme syncopé,
de la légèreté en évoquant des choses
graves, oui, cela commence bien. Et puis le troisième "souvenir",
la relation amoureuse entre Paul et Esther, qui occupe les deux
tiers du film, vient plomber l'ensemble : ces amours adolescentes,
répétitives, anecdotiques, bavardes à n'en
plus finir, n'ont aucun intérêt, n'éveillent
aucun désir, n'ont pas de charme. La jeune actrice qui joue
Esther jeune ressemble un peu à Emmanuelle Devos, qui joue
le rôle adulte dans "comment je me suis disputé…",
mais n'a pas beaucoup de nuances, et à part son jeu de menton
dont elle finit par abuser, elle semble un peu fade. Quentin Dolmaire,
en Paul Dédalus adolescent, a plus de caractère, et
parvient à évoquer Amalric, sans le singer. Mais le
récit tourne en rond, s'attarde sur un échange de
lettres interminable entre les deux tourtereaux, aucune empathie
pour l'un ou pour l'autre ne naît de la narration de cette
relation. Côté mise en scène, tout semble plat
: on retrouve quelques "Desplechineries" caractéristiques,
voix off, regards caméras, citations très référencées,
Roubaix encore et toujours, mais rien de nouveau, rien d'alléchant
: dans "un conte de Noël", on se demandait sans cesse
ce qui allait se passer à la scène suivante, avec
délectation; ici on voit tout venir ou presque, tellement
le récit est redondant et patauge dans des échanges
qui se veulent littéraires et ne sont que prétentieux
et vains.
Quand on voit, dans le même temps, comment d'autres cinéastes
français s'emparent de sujets autrement plus actuels, on
ne peut que souhaiter à Desplechin de retrouver de la créativité
pour son prochain film !