Ainsi, il aura fallu quatre ans
à Julia Ducournau pour donner une suite de son œuvre,
après Grave,
véritable bombe dans le sage paysage du cinéma français.
Attendue, précédée d'une rumeur volcanique,
encensée par les uns, étrillée par les autres,
voici Titane, comme la matière mais aussi comme
un féminin fantasmé de Titan.
Le saut entre Grave et Titane, du point de vue
des moyens et de l'attente, est comparable à celui réalisé
par Beineix entre Diva et La lune dans le caniveau,
excepté l'accueil au festival de Cannes : Beineix était
reparti bredouille et couvert d'opprobres, Julia Ducournau est quant
à elle couronnée d'une palme qui sent tout de même
un peu la prime au féminisme.
Là où Grave utilisait les effets de mise
en scène et le gore comme des ressorts au récit, Titane
en regorge (de gore et d'effets) jusqu'à l'indigestion. Rien
n'est gratuit, la violence à l'écran est sans doute
nécessaire pour montrer le personnage d'une mutante aux prises
avec tous ceux qui l'entourent (dans la naissance de ce personnage,
il y a aussi, sans doute bien involontairement, quelque chose de
Lucy ou de Nikita,
de Luc Besson), mais les images, le son, la musique, le scénario,
tout va dans le même sens, il y a de la surenchère,
de la redondance, le spectateur est comme enfermé dans cette
abondance de moyens pour signifier l'étrangeté, le
transhumanisme. Grave avait une construction progressive
du bizarre et au final, ce qui choquait ne franchissait jamais complètement
les limites de l'irréel. Titane se vautre très
vite, trop vite, dans une bouillie surnaturelle de sang et de métal
qui manque singulièrement d'ironie et d'humanité.
Du coup, les petites pointes d'humour (vous êtes combien,
là-dedans ?) paraissent presque incongrues, et les personnages…
disons "raisonnables", comme la mère du fils disparu,
prennent une épaisseur formidable et montrent par contraste
ce qu'aurait pu être le film avec un peu plus de subtilité.
Il reste que Julia Ducournau a du talent, c'est certain, que sa
palme n'est pas déméritée, que son film sort
de l'ordinaire et ne laisse pas indifférent, et qu'on attend
déjà son troisième avec impatience.