Plus la fin du
Monde se rapproche (même si ce n'est pas pour demain, rassurez-vous),
plus les cinéastes se révèlent imaginatifs sur
ce thème. On est souvent très loin du film catastrophe,
car des véritables auteurs se sont emparés de cette
grande peur, qui en cache sans doute d'autres. Récemment, Lars
Von Trier avec "Melancholia"
a remisé "Armageddon" ou "2012"
au rayon des catalogues d'effets spéciaux, tant son film est
créatif.
Ce "Take Shelter" n'est pas à proprement dit une
production traitant de l'Apocalypse, mais les peurs et les fascinations
qu'éprouve le personnage principal sont similaires de celles
vécues par les prédicateurs et leurs disciples. Tendance
légèrement new age, musique planante et hypnotique,
rêves prémonitoires, effets spéciaux absolument
pas gratuits, scénario resserré à l'extrême
sur un noyau de personnages, tout est réuni pour faire œuvre
d'intelligence et ouvrir le sujet à autre chose que de la banale
science fiction. Curtis, l'homme qui rêve de la tempête
du siècle et de ses conséquences dramatiques pour sa
famille, n'est absolument pas monolithique : il poursuit son obsession
jusqu'au bout, et tous les efforts qu'il fournit, pathétiques
et proches de la folie, pour protéger sa femme et sa fille
en agrandissant l'abri anti-tempête, ne sont pas montrés
sous un seul angle de vision : le spectateur peut le suivre en se
laissant porter par son intuition, comme il peut aussi se ranger aux
côtés de ses proches, désemparés et stupéfaits.
Mais le personnage porte en lui aussi sa propre contradiction : s'il
cherche à mettre sa famille hors de portée de la tempête
qu'il est seul à savoir venir, il n'exclut pas l'hypothèse
de la folie, et entreprend de se soigner. Ces attitudes opposées
sont l'intérêt du film, mais aussi ses propres limites
: les images de tempête montrées sont-elles issues de
l'imagination ou bien sont-elles réelles ? Si la réponse
est claire pendant la grande majorité du récit, la toute
fin est ambiguë, et le spectateur trouvera cela absolument génial,
ou bien versant dans le grand n'importe quoi.
A la sortie de la projection, on peut remettre en question beaucoup
de la fascination exercée par l'aspect formel, et trouver l'ensemble
assez vain…
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