J'aime le cinéma de Justine
Triet. Il est loin d'être tiède ou confortable et pourtant
il devient de film en film de plus en plus inventif, plaisant à
voir et à écouter, un gâteau au poivre délectable.
A nouveau, comme dans Victoria
ou La bataille
de Solférino, l'histoire dans Sybil n'est pas ce
qui porte le film, ce sont encore les personnages et les situations
qui rendent l'ensemble vivant, surprenant, piquant. Virginie Efira,
resplendissante ou détruite semble en totale confiance avec
la réalisatrice qui lui demande d'aller loin, parfois très
loin pour rendre compte des aspects un peu dingues de son personnage,
complexe, drôle et pathétique en même temps.
Adèle Exarchopoulos, en face, semble un peu terne, malgré
ses pleurs (il faudrait peut-être arrêter, avec les
larmes et la morve de cette actrice…), au contraire de Sandra
Hüller, qui comme Virginie Efira, donne beaucoup d'épaisseur
et de couleurs dans tout ce qu'elle fait. Justine Triet ne se contente
pas de diriger ses actrices (et ses acteurs aussi un peu), elle
imprime un rythme très particulier au récit, déstructure
la chronologie, passe de la frénésie à la contemplation,
instille beaucoup d'inattendu dans la plupart des scènes
: là où la situation pourrait être tragique
ou désespérée, l'ironie du point de vue de
la réalisatrice rend les choses beaucoup plus légères,
rien ne semble marqué par un destin quelconque… et
lorsque l'horizon paraît dégagé et que tout
pourrait se dérouler sans heurts, il y a toujours un grain
de sable, une vision légèrement décalée,
c'est fluide sans être lisse, c'est chaotique sans être
agressif. C'est du vrai cinéma.