"La
bataille de Solferino", le précédent film
de Justine Triet, était une gigantesque engueulade, qui durait
à peu près tout le temps du film. C'était affreusement
drôle. Bordélique à souhait, porté par
une énergie incroyable, et qui mettait le spectateur dans
un état d'agacement et de réjouissance concomitants.
Victoria, son dernier film, est d'abord le portrait d'une femme
d'aujourd'hui, certes issue d'une classe sociale aisée, mais
représentative de ce qu'est la vie d'une femme seule, devant
gérer le stress d'une profession dévorante, des enfants
qui doivent apprendre à jongler avec les humeurs et la disponibilité
de leur mère, une vie amoureuse et/ou sexuelle plutôt
chaotique, et puis des questions sur l'existence auxquelles personne
ne peut répondre ou alors de telle façon que de nouvelles
questions se posent. Victoria (le personnage) est entourée
d'ami(e)s formidables (ou pas) (ou pas du tout), de quelques membres
de sa famille, d'un psy qui fait ce qu'il peut… Ah, et puis
il y a aussi son ex-mari, ou son ex-compagnon, enfin le père
de ses filles, une sorte de loque parasitaire. Et puis un drôle
de jeune homme ex-dealer, futur avocat (pourquoi pas ?), baby-sitter
d'occasion, amoureux de Victoria. Tout cela, tous ceux-là
forment un tissu disparate, drôle, déstabilisant ou
rassurant selon les instants. Virginie Efira, dans le rôle
titre, est géniale : elle incarne un personnage qu'on a envie
de réconforter ou d'engueuler, dont on se dit qu'elle pourrait
être notre amie, notre sœur, notre amoureuse. Elle passe
de l'abattement le plus complet à l'enthousiasme communicatif
avec un naturel confondant.
Peut-on dire qu'une véritable histoire se prête au
jeu du récit ? pas tout à fait, c'est plutôt
une succession de situations, qui ressemble à la vraie vie,
avec beaucoup de drôleries, de mélancolies et de preuves
que la vie vaut d'être vécue.
Peut-être moins libre et moins intense que "la bataille
de Solferino", Victoria le film est aussi plus aimable, moins
éprouvant pour le spectateur. On peut en sortir avec le sourire
aux lèvres et du baume sur le cœur, pour peu qu'on se
laisse emporter par le tourbillon créé par l'actrice,
qu'on espère revoir…