Le problème des histoires
vraies au cinéma, c'est qu'elles n'autorisent qu'assez peu
de surprises. Ce couple mixte (il est blanc, elle est noire) qui
décide de se marier aux Etats Unis dans les années
50 est célèbre puisque la procédure judiciaire
qui en découle (ils sont en Virginie, et les mariages mixtes
y sont alors interdits) verra au bout du compte un changement de
la législation. Jeff Nichols (auteur de Mud,
Take Shelter,
Midnight Special…)
fait le récit de cette relation, de cette lutte pour obtenir
gain de cause. Cela pourrait donner lieu à des scènes
bien balisées dans ce type de film, avec larmes, indignation,
effets de manches lors de procès d'un autre âge. Mais
ce n'est pas tout à fait ça. C'en est même assez
éloigné. Le récit se concentre sur le couple,
sur leur relation, sur leur entourage très proche. Les avocats
qui prennent en charge l'affaire ne sont pas éminemment sympathiques
et semblent chercher un peu de gloire personnelle, et la séance
à la cour suprême n'est même pas montrée,
puisque les deux époux ne s'y rendent pas. Lui est un taiseux,
un doux, un bougon qui aime sa femme et il se moque complètement
de la couleur de sa peau. Elle est une timide, une effacée
qui peu à peu se révèle une autre, et c'est
bien elle le personnage qui mène le récit. Ruth Negga
est formidable, naturellement belle, sans artifices, un seul de
ses regards ferait fondre à peu près n'importe qui.
Jeff Nichols la filme avec tendresse, et fabrique un film digne,
sobre, presque modeste, très légèrement ennuyeux
par manque de rythme. Il a le mérite de respecter l'intimité
du couple, de ne pas en faire des héros. Cela ne ressemble
pas à un film américain, pas d'effets spéciaux,
pas de musique grandiloquente, pas de scènes renversantes.
Et en même temps, tout cela est tout de même très
américain, en montrant une partie de l'Histoire de ce pays
qui se construit aussi par les plus humbles.