Spielberg ou un autre, "Rencontres
du troisième type" ou bien "A.I.", un hommage
vibrant ou juste quelques emprunts, tout ça n'a pas beaucoup
d'importance, c'est surtout un film comme seuls les Américains
savent faire, avec une belle part d'enfance… Le bijou qu'a
concocté Jeff Nichols pourrait bien marquer quelques jeunes
adolescents ou enfants sur le point de le devenir, comme à
son époque, "E.T." avait nourri l'imaginaire héroïque
de quelques millions de spectateurs, en mode bouche bée et
tenus par une science du récit. Avec quelques effets spéciaux
plutôt simples et de l'image de synthèse qui en met
plein la vue mais sur un laps de temps assez court, le film joue
l'économie de moyens techniques mais avec une façon
de raconter les choses absolument formidable, privilégiant
la classique course-poursuite où l'on voit les héros
traqués de toutes parts sans que l'on sache pourquoi, tout
au moins au début. Peu à peu, vient se superposer
à cette poursuite effrénée, la force d'une
relation entre un enfant et ses parents. Il n'y a pas de monde à
sauver ou d'ennemis supérieurs à combattre, il y a
juste un homme et une femme qui aiment leur fils, au-delà
de ce qu'on peut imaginer. L'émotion vient principalement
de là, de cet amour inconditionnel. Bien sûr, il y
a du merveilleux, du fantastique, des occasions de sentir ses poils
se dresser, mais au fond, c'est l'abandon de lui-même qui
fait de ce père un héros. Lorsque nous le quittons,
son destin a basculé, les choix qui l'ont conduit là
où il est sont d'une force inouïe.
Quant à l'enfant, l'image de son visage tourné vers
le ciel, avec ses lunettes bleues, risque de s'inscrire pour longtemps
dans la légende des héros de cinéma.
Jeff Nicols réalise le prodige de nous embarquer dès
les premières minutes dans une histoire abracadabrante, avec
rien ou presque : quelques voitures qui roulent dans l'obscurité,
des maisons où l'on dort le jour, des regards éperdus,
et l'on a une sensation de danger intense avec très vite
l'assurance que ce qui se joue là dépasse très
largement de simples enjeux de vie et de mort pour une poignée
d'humains. Puis le récit ne cesse de s'intensifier, en jouant
sur la capacité de n'importe quel humain à croire…
Ici, ce n'est qu'une histoire, mais elle nous emmène si loin
qu'il est un peu difficile de revenir à la vie réelle,
une fois sorti du cinéma.