Et pourquoi Ryan Gosling n'aurait-il
pas le droit de faire, lui aussi, des films ? La critique professionnelle
est curieusement partagée sur cette rivière perdue.
Une partie loue ses qualités, son style, son univers tandis
qu'une autre semble lui refuser le droit d'être créatif,
lui reprochant d'être un acteur en vogue à qui personne
ne peut résister et qui aurait donc fait une œuvre tellement
personnelle (et en même temps pétrie de références)
qu'il semble se moquer des spectateurs.
Le fait est que le film dans son ensemble s'inscrit dans un univers
hallucinant, qui peut engendrer soit la fascination soit le rejet
: on y voit bien sûr des correspondances avec deux des réalisateurs
qui l'ont fait travailler, Derek Cianfrance (The
Place Beyond the Pines) et Nicolas Winding Refn (Drive
et Only God Forgives),
mais plus encore David Lynch pour l'ambiance mystérieuse,
l'apparente opacité du récit, le cabaret. On pense
aussi à Terrence Malick, Gaspar Noé… Malgré
ces références plus ou moins prestigieuses, le film
a sa propre personnalité, plus centrée sur l'aspect
plastique que par le récit. Photographie crépusculaire
ou nocturne, décors de ruines omniprésents, musique
sombre et dense, images flamboyantes à la lisière
du fantastique, tempo lent mais contrasté par des transitions
ultra rapides et des ellipses temporelles plutôt efficaces,
tout cela ressemble à du style, avec des choix de mise en
scène, des partis pris, un refus de la facilité qui
conduit parfois à un certain inconfort pour le spectateur.
Si le film n'avait pas été réalisé par
Gosling, la critique se serait peut-être accordée pour
louer ses qualités créatives. Ou pas.