Philippe Le Guay aime les acteurs,
ça se sent. Et les acteurs, se sachant admirés, font
leur boulot sans compter. Que ce soit dans "Alceste
à bicyclette", ou "les
femmes du 6ème étage" ou "du
jour au lendemain", les acteurs y sont formidables. Il
faut dire qu'ils sont gâtés. De beaux personnages,
des belles histoires, des dialogues intéressants… Cette
dernière production ne déroge pas à la règle,
Jean Rochefort prend un plaisir évident à jouer l'extravagant
à qui on pardonne beaucoup de choses, eu égard à
son grand âge. Et Sandrine Kiberlain… L'a-t-on déjà
vue mal à l'aise dans un rôle ? C'est de la dentelle,
cette fille-là. Tous ces regards, petits mots, silences,
éclats de rire semblent venir tellement naturellement…
Les seconds rôles ne sont pas en reste, Laurent Lucas et Anamaria
Marinca en tête.
D'où vient alors que le film peut laisser sur sa faim ? La
mise en scène semble être terriblement sans imagination.
Le récit est démonstratif, sans aucune surprise…
Aucun cadre qui ne sorte du sacro saint champ contre-champ, c'est
épouvantablement plat, sans faiblesse, sans contraste, sans
ruptures, et si Rochefort et Kiberlain ne faisaient pas le job,
on s'ennuierait ferme.
Il est question d'un vieil homme qui commence à perdre la
boule, de sa fille qui l'adore et qu'il adore, de son autre fille
qui n'est pas là et on devine pourquoi la deuxième
fois qu'on en parle. Il est question des différentes façons
de s'occuper de ses vieux parents, aide à domicile, hébergement
chez soi, maison de retraite (ah, pardon, maison de vie !) et tout
cela paraît bien documenté et cousu de fil blanc. Cela
pourrait créer un petit paquet d'émotions mais la
plupart tombent d'elles-mêmes, par la faute d'un manque cruel
de poésie, d'ambiguïté, d'hésitation.
Dans "Alceste à bicyclette", le panache des deux
acteurs masquait ces manques. Ici, le sujet lui-même réclamait
un peu plus de subtilité et de fragilité. C'est la
Floride, mais avec des gros sabots. Dommage !