Alceste à bicyclette *

Philippe LeGuay

L'histoire

Au sommet de sa carrière d’acteur, Serge Tanneur a quitté une fois pour toutes le monde du spectacle. La fatigue d’un métier où tout le monde trahit tout le monde. Désormais, Serge vit en ermite dans une maison délabrée sur l’Île de Ré… Trois ans plus tard, Gauthier Valence, un acteur de télévision adulé des foules, abonné aux rôles de héros au grand cœur, débarque sur l’île. Il vient retrouver Serge pour lui proposer de jouer «Le Misanthrope» de Molière.

Avec

Fabrice Luchini, Lambert Wilson, Maya Sansa, Laurie Bordesoules

Sorti

le 16 janvier 2013

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Jouer à se détester

 

Alceste, c'est le Misanthrope, le personnage de Molière qui ne peut, qui ne veut pas avoir d'amis. Il veut détester le monde entier et Philinte, celui qui se dit son ami, ne parvient pas à le faire fléchir.
Ecrire une comédie contemporaine autour de ce mythe, en restant au plus près du thème puisqu'il s'agit de deux acteurs qui en viennent à répéter la pièce avec le projet de la monter, c'est évidemment jongler entre la drôlerie de situation ou des échanges et l'amertume du propos. Le scénario est plutôt intelligent, prenant son temps, ne négligeant ni l'humour (attention, fin et anti-gras, l'humour : même lorsque l'un des personnages tombe à l'eau, on est très loin de la farce), ni une certaine gravité : il n'est pas question ici d'amitié entre les deux personnages, il manque trop d'éléments dans la nature de leurs relations, le récit se situe plutôt dans l'observation de la façon dont les hommes vivent entre eux et confrontent leurs visions respectives de l'existence. Ce qui se joue (et on peut bien parler de jeu, chacun fabriquant son personnage l'un par rapport à l'autre) entre Alceste-Luchini et Philinte-Wilson va de toute évidence au delà du simple projet de monter un spectacle. La clé de l'histoire n'a d'ailleurs aucun rapport avec la pièce en elle-même, un troisième personnage (une femme, bien sûr, mais pas une actrice...) vient cristalliser toutes les tensions accumulées pendant ces quelques jours de travail théâtral puis les fait exploser.
Fabrice Luchini et Lambert Wilson sont formidables tous les deux, ils ont réussi à incarner chacun leur personnage pas seulement par les mots et les situations, mais aussi par une gestuelle, une façon de marcher, de s'habiller, de sourire, tout est minutieusement bien vu. On pourrait dire que Luchini joue comme il l'a toujours fait mais il trouve encore mille façons de surprendre le spectateur, ici dans une aigreur contenue, dans une vibration intense sous une épaisse couche de dédain. Lambert Wilson compose quant à lui un étonnant faux lourdaud, aimant le Monde entier avec une maladresse confondante, engoncé dans une certaine ringardise (de par ses vêtements, sa façon de faire du vélo ou d'endosser la célébrité...) et pourtant réussissant à rendre son personnage sympathique et même touchant...
Tout cela ne fait pourtant pas du vrai cinéma, ce sont juste deux acteurs en osmose qui jouent un texte d'une belle intelligence. Du côté des idées de cadrage, de montage, de photographie, c'est le néant. Mais qu'importe, le plaisir du récit et du jeu suffit à vivre un petit bonheur.

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