L'histoire d'Irène Frachon,
qu'on la connaisse ou pas, en détails ou dans ses grandes
lignes, c'est celle d'une femme médecin qui parce qu'elle
a des convictions n'hésite pas à mettre à jour
la nuisance mortelle d'un médicament commercialisé
en toute impunité depuis une trentaine d'années. Cela
pourrait être l'occasion d'un véritable film-dossier,
accumulant les faits, s'attachant à une enquête longue
et fastidieuse, montrant comment une entreprise (les laboratoires
Servier) et une institution publique (l'Agence du médicament)
parviennent à nier l'évidence pendant des années.
Cela pourrait être ennuyeux. C'est effectivement un film-dossier,
mais ce n'est pas que cela, et il n'y a pas une seconde d'ennui.
Le récit est celui d'un thriller, avec tout ce que cela comporte,
se basant sur les différentes étapes du processus
de mise en lumière d'un scandale énorme (plus de 500
morts, tout de même…), les personnages sont hauts en
couleurs, il y a des acharnés, des qui se découragent,
quelques affreux aussi (mais pas Servier lui-même). C'est
donc terriblement prenant, mais ça n'est pas que cela. Emmanuelle
Bercot montre encore, après la Bettie de Elle
s'en va et la juge de La
tête haute, un personnage féminin qui lutte avec
ses moyens, avec les aléas de sa propre vie, pour qu'une
petite partie du monde s'améliore. Elle a des doutes, Irène
Frachon, des emportements, elle fait des erreurs, se trompe, mais
n'abandonne jamais. C'est une femme magnifique, elle fait certes
partie de ceux qu'on appelle des lanceurs d'alerte, mais elle est
aussi une simple citoyenne en qui on peut s'identifier, elle a une
famille et des amis comme un peu tout le monde, elle rigole, fait
la clown, s'écroule, se relève. Sidse Babett Knudsen,
qui l'interprète dans le film, s'est inspirée semble-t-il
de son énergie, de sa vitalité, de son humanité,
et qu'est-ce que ça fait du bien ! On sort de la projection
plutôt effaré par l'ignominie qui se dégage
de la politique commerciale des laboratoires mais aussi très
regonflés par la personnalité de l'héroïne,
non pas une sainte, non, mais une humaniste contemporaine.