Dès la première
minute, la tension de la situation sociale et la violence qui en
découle prennent le spectateur sans qu'il s'y attende. Une
violence terrible, autant dans les gestes que dans les mots. Et
finalement, ce sont les coups qui sont les moins douloureux. Et
du côté des paroles qui fusent, ce ne sont pas les
injures qui restent, mais les non-dits, les mots qui se veulent
simplement anodins. Et ça fait mal, très mal. On a
beau y percevoir des raisons d'espérer, et ce de plus en
plus au fur et à mesure de l'avancée du récit,
l'ambiance générale est à la douleur, douleur
des relations familiales, douleur de la difficulté de s'intégrer
dans une société de plus en plus aseptisée
qui n'accepte plus les marginaux, douleur intérieure parce
qu'on ne s'aime pas soi-même...
Un peu de "Mommy", avec moins de grâce formelle,
un peu de "Polisse", avec un récit plus resserré,
un peu de "States of Grace", avec plus de points de vue
sur les adolescents et leurs familles. Mais surtout beaucoup de
caractère propre : c'est formidablement percutant, déstabilisant,
par moments bouleversant, autant du côté des intervenants
(la juge, les éducateurs, les encadrants...) que de celui
du jeune Malony et de sa mère.
Les scènes sont parfois effroyables dans l'incompréhension
entre les personnages, avec l'impression qu'à chaque fois
on atteint un point de non-retour, et pourtant l'empathie peut parfois
être partagée entre tous.
Comment en est-on arrivé là ? Le film donne des pistes,
sans trancher... l'irresponsabilité d'une mère dépassée,
la maladresse de quelques adultes, la passivité des institutions
ou leur impossibilité à réagir autrement, la
spirale dans laquelle s'enfonce un adolescent qui, avant de détester
le monde entier, se voit lui-même comme un être malfaisant
et irrécupérable. Tout cela est évoqué,
suggéré, mais on ne montre personne du doigt, il y
a de l'Humanité chez tous.
Les acteurs sont impliqués d'une façon évidente
: Deneuve est magnifique, prenant des risques, inventant sans cesse.
Rôle après rôle, elle n'est pas seulement une
grande actrice, elle est aussi une grande dame, refusant la facilité,
avec un jeu de plus en plus simple et qui sonne tellement juste...
Benoît Magimel, sobre, d'une force in-tranquille, est parfaitement
crédible. Sara Forestier, dont certains disent qu'elle en
fait peut-être un peu trop, est au contraire exactement dans
son personnage, alternant la légèreté, la vulgarité,
la détresse... Rod Paradot, dont c'est le premier film, est
hallucinant. A aucun moment on ne le voit jouer, il est dans un
lâcher prise constant. Et puis, il y a tous les autres, qui
jouent les éducateurs, les adolescents ou jeunes adultes
en errance. Aucun n'est à côté de son rôle,
le film est constamment juste et pourtant il se permet quelques
moments de contemplation et de poésie, le doute est palpable.
Fragile et d'une grande force, la tête haute, assurément
!