Les frères Dardenne continuent
leur chemin vers la lumière... C'est comme si, depuis "Le
silence de Lorna", quelque chose avait changé dans
leur vision de l'Humanité. "Le
gamin au vélo" portait beaucoup d'espoir, et n'avait
pas la noirceur de "L'enfant"...
Tout au long du récit de ce week-end, où tant de choses
se jouent, le cinéma des réalisateurs belges semble
s'éloigner de celui de Bruno Dumont, pour se rapprocher de
Ken Loach, ou même de Guédiguian. On est encore loin,
et c'est heureux, d'une vision consensuelle de la société,
mais on y voit des êtres humains se débattre avec leur
vie, avec une organisation absurde imposée par des instances
qui les dépassent, qui se battent parfois entre eux, mais
qui en sortent la tête haute, grandis, porteurs d'une énergie
nouvelle capable d'affronter l'avenir. Et pourtant, il n'y a rien
d'angélique, pas de naïveté, pas de facilité
dans la suite des évènements.
Même si les Dardenne ont semble-t-il quitté la pénombre
(et c'est d'ailleurs la deuxième fois de suite qu'ils filment
intégralement sous le soleil), ils conservent ce qui fait
la force de leur cinéma : des situations simples, des personnages
confrontés à des choix qui peuvent se poser dans la
vraie vie, un cheminement à la fois physique et moral pour
tenter de résoudre un problème... et la silhouette
d'Olivier Gourmet comme une signature. Ici, ils ajoutent à
leur univers très cadré deux séquences musicales,
deux échappées vers un relâchement, vers quelque
chose qui ressemblerait à de la joie. Ces deux instants sont
formidables et créent une émotion terrible. Et puis
il y a Marion Cotillard. Elle est ici simplement exceptionnelle.
Avec des presque rien (et tout est dans le "presque"),
une démarche, une voix un peu traînante, des épaules
un peu tombantes, des yeux voilés qui s'éclairent,
une façon de répéter les mêmes mots à
tous ceux qu'elle va démarcher mais avec des micro nuances,
elle fait croire à son personnage, complètement. Elle
ne joue pas de son physique, du charme de son sourire, elle est
Sandra magnifiquement et sans artifices, cette jeune femme qui se
bat, parfois à reculons, pour sauver son emploi, sa dignité.
La rencontre de l'actrice totalement impliquée et des frères
Dardenne en pleine possession de leur art donne un film puissant,
qui reste longtemps dans les mémoires, émouvant, très
émouvant.