Le silence de Lorna **

Jean-Pierre et Luc Dardenne

L'histoire

Pour devenir propriétaire d'un snack avec son amoureux, Lorna, jeune Albanaise vivant en Belgique, est devenue la complice de la machination de Fabio, un homme du milieu.

Avec

Arta Dobroshi, Jérémie Rénier, Fabrizio Rongione

Sorti

le 27 août 2008

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Splendeur sèche

 

Ah, bien sûr, ce n’est pas du cinéma qui cajole, qui fait rêver. Ce n’est pas du divertissement, ça ne cherche même pas à être intelligent ou brillant. C’est un cinéma sec, terriblement terre à terre, et d’où émerge pourtant une grande douceur. Lorna peut être vue comme une sorte de monstre froid et calculateur qui perd tous ses repères et s’envole (non, elle ne sombre pas) dans la folie. Elle est aussi une victime de la mondialisation, de l’économie de marché, de la puissance de l’argent qui régit tout. Elle est aussi une romantique à l’état pur, trouvant dans son échappée finale en pleine forêt (alors que tout le reste du film se passe en milieu urbain) sa véritable indépendance. Malgré l’absence d’effets, ces dernières scènes semblant presque en dehors de la réalité, élèvent l’ensemble vers un onirisme surprenant, même s’il est très léger.
Le récit est très dur, d’une grande violence morale. Et pourtant, à l’écran, les frères Dardenne montrent à nouveau qu’on peut l’évoquer, en se passant d’images violentes. La Lorna d’Arta Dobroshi est à rapprocher de l’Otilia d’Anamaria Marinca, dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours : aussi déterminées l’une que l’autre et pourtant pleines de doutes, meurtries à un point inimaginable, ce sont les nouvelles sacrifiées sur l’autel de la jungle libérale contemporaine, réglée par des lois d’où la fraternité est absente. Mais tant que le cinéma parviendra à montrer cette humanité encore vivante sous les cendres, il y aura de l’espoir.

 

 

 

 

 

 

 

Vos commentaires

Un film des frères Dardenne qui se situe dans la lignée des précédents. L'actrice Arta Dobroshi est remarquable tout comme Jérémie Rénier que je n'avais jamais vu aussi bon en junkie amoureux.
Lorna est une femme de devoir et d'action qui prend la vie à bras le corps et fait fi des obstacles avec grand courage. Son amour et l'espoir d'une vie meilleure lui permettent de dépasser des conditions de vie franchement difficiles (travail pénible, cohabitation avec Claudy, toxicomane qui tente de s'en sortir, obéissance à Fabio, homme du milieu, qui l'instrumentalise sans vergogne dans le but d'en tirer un nauséabond profit). Pendant la première partie du film, elle encaisse sans sourciller mais un être humain peut-il durablement vivre une telle vie sans conséquences ?
C'est mon hypothèse pour interpréter la folie de Lorna qui se dessine dans la deuxième partie du film : à force d'être traitée comme un objet, le sujet qui est en elle se révolte et dit non à sa manière : elle a une relation sexuelle avec Claudy et des sentiments pour lui alors que Fabio le considère uniquement comme une chose ("Un junkie qui va crever"), seulement utile à son business mafieux. La grossesse inventée est une façon de se doter d'une existence autonome et d'habiter vraiment sa vie. De plus, la fuite dans les bois semble une forme de libération autant que guidée par l'instinct de survie. A la fin du film, elle s'endort seule près du feu, enfin à l'abri du monde extérieur .
Un film à recommander.

Emmanuel F. le 14 septembre 2008

 

Le Silence de Lorna m'a fait penser à Trois mois, trois semaines, et je ne sais plus, même si l'absence du contexte des pays de l'Est donne une autre tonalité aux lieux (la Banque, la Poste, les autoroutes, et j'en passe). J'ai été très frappée par ce personnage féminin, d'autant que je n'ai pas tout compris d'emblée de l'intrigue et que cette énigme a accru le suspense. Je trouve que ce film noue le deuil et la folie (ou le délire) de façon très juste.

J'ai cru voir en Lorna un personnage d'un héroïsme sans éclat, ceux des gens dont on n'entend pas parler. Elle encaisse les coups durs, la violence masculine, dont elle est le jouet sans le savoir, jusqu'au moment où un événement qu'elle croyait pouvoir éviter (la mort de son faux époux) lui est si insupportable qu'elle sort de la rationalité pour l'admettre et continuer de vivre. Au fond, c'est un personnage tragique.

Isabelle C. le 25 septembre 2008


 

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