Les frères Dardenne n’aiment
pas les personnages consensuels. Leurs héros, de Rosetta à
Cyril ("le gamin au vélo"), en passant par Lorna,
Francis ("le fils") ou Bruno (le père de "l’enfant"),
ne sont pas immédiatement sympathiques, ce sont des écorchés,
des êtres courbés qui portent chacun une douleur, un
manque, une petite mort…
Thomas Doret, le jeune interprète du film, a une énergie
incroyable, il parvient à faire passer la rage, la colère,
le caractère terriblement buté, contre tous ceux qui
tentent de lui faire comprendre que son père l’a abandonné…
Mais cette énergie ne fait pas tout. La caméra suit
l’enfant partout, nerveuse, réactive, donnant à
l’ensemble l’impression que tout cela n’est pas
joué, mais réel. Les deux réalisateurs ont encore
réussi à diriger un tout jeune acteur pour que celui-ci
fasse tout d’instinct, comme s’il surprenait constamment
par ses actions. Ce n’est pas vraiment nouveau chez les frères
Dardenne, mais à chaque fois on est saisi par cette proximité,
on se sent concerné, bousculé… impossible de dire,
c’est du cinéma ! non, c’est plus proche de la
vie que de la fiction. Ce qui apporte une teinte inédite cette
fois-ci, c’est le personnage joué par Cécile de
France (absolument pas star, complètement dans l’univers
des réalisateurs belges), solaire, telle un ange humain mais
sans angélisme. Les plus belles émotions du film viennent
d’elle, alors qu’on ne sait rien des éléments
de sa vie qui la poussent à accueillir Cyril. Elle permet au
spectateur de s’accrocher, de ne pas rejeter l’enfant.
On l’admire, parce qu’elle est pleine de doutes, parce
que ce qu’elle fait est juste et pourtant rien n’est calculé
chez elle, parce qu’elle nous donne des raisons d’espérer.