Est-ce une mode, ou une coïncidence
de projets artistiques ? Toujours est-il qu'en peu de temps, trois
films muets en noir et blanc au format (presque) carré ont
été présentés aux spectateurs, habitués
au parlant en couleur et en écran large…
The Artist était
un brillant exercice de style mais sans imagination, Tabou
a paru génial à certains et terriblement ennuyeux
à d'autres… ce Blancanieves applique les mêmes
procédés à peu de choses près : il ne
s'agit pas seulement de techniques, mais aussi de façons
de mettre en scène, avec un récit très explicatif
pour que chacun puisse comprendre l'histoire, et un jeu d'acteurs
basé sur des expressions et des regards très appuyés.
Certains diront que tout cela est formidablement poétique,
d'autres n'y verront que des outrances inutiles.
Si l'on peut faire abstraction du style et des partis pris techniques,
le scénario qui reprend les grandes lignes du conte des frères
Grimm apporte tout de même des surprises, des variations étonnantes,
une manière respectueuse de tordre le cou à un mythe.
La transposition de la trame classique dans une Espagne des années
20, avec la Corrida comme révélateur des passions,
semble assez osée mais au final plutôt efficace et
se justifiant parfaitement. Les actrices, de la petite fille à
la vilaine "reine", en passant par la très belle
BlancaNieves, irradient littéralement, elles font écarquiller
les yeux, elles sont magnifiques. Si le film dans son ensemble souffre
un tout petit peu de longueurs (en particulier dans sa première
partie, on attend avec impatience que la petite fille grandisse
enfin), on ne s'ennuie jamais, quelques scènes procurent
des émotions fortes, autant pour l'aspect formel (splendide
photo noir et blanc) que pour ce qui se passe entre les personnages.
Néanmoins, on peut rester dubitatif devant cette volonté
de faire "comme avant". L'absence de couleurs n'empêche
pas la modernité (voir "le
ruban blanc" de Haneke, ou bien "la fille sur le pont",
de Patrice Leconte), l'absence de dialogues non plus (voir certaines
scènes magnifiques de "Golden
door"), le format qui rétrécit l'écran
a déjà été utilisé par des auteurs
qui en font une marque redevenue contemporaine (Gus Van Sant), mais
les trois en même temps ne peuvent pas éviter le sentiment
que l'on est devant un hommage ou une parodie des films des années
20… Et cela peut sembler assez vain.