Vos
commentaires pour ce film
Eh
bien moi je ne sais pas pourquoi, j’ai eu envie d’aller
le voir ce film, pour une image, un son, un soupir, des regards…
Je ne suis pourtant pas une cinéphile avertie, et je n’ai
pas décidé d’aimer à cause de critiques parfois
dithyrambiques. Mais j’avoue que lorsque mon voisin – cinéphile
et critique averti, lui ! – s’est assoupi, je me suis dit
qu’il devait être souffrant ou très fatigué
ces temps-ci…
En effet comment s’endormir quand les images déclenchent
de telles émotions ? J’ai été fascinée
tout du long, happée dès le début par l’ambiance
plus que par l’histoire, par la façon de montrer ce qui
n’était encore pas grand-chose à dire…
C’est une histoire de femmes cette première partie, de
femmes qui vivent seules, d’un vide d’hommes. Et on ne peut
pas dire que la vie leur semble douce et légère. Le seul
homme qui tente une approche est considéré comme un artiste
raté, plutôt attentionné mais pas assez intelligent
pour comprendre que les toiles qu’il s’obstine à
offrir à celle qu’il convoite sont reçues comme
des croûtes – pas assumées dans un premier temps,
mais puisque la voisine s’en mêle ! Des croûtes qu’elle
n’ose accrocher dans son salon, et qu’elle sort à
l’occasion de la venue du dit artiste, mais puisqu’il ne
viendra finalement pas boire le thé et déguster son incontournable
gâteau à la carotte, elle les remballe vite fait !
Ces femmes sont indépendantes mais liées les unes aux
autres par l’attention qu’elles se portent, avec ou sans
contrat. Ces trois femmes « à qui il n'arrive à
peu près rien et qui dialoguent sur des considérations
parfaitement inintéressantes » vivent. Tout simplement.
Et l’on ne sait encore rien de leur vie passée, et l’on
ne devine que peu de choses de leur vie actuelle. Le futur est la vieillesse,
la mort, très proche pour l’une d’elles. Cette vieille
dame qui a connu l’opulence (elle est très drôle
quand elle revêt son manteau et son bonnet de fourrure prétextant
une promenade – ne sommes-nous pas en plein été
? – pour les porter au clou), cette vieille dame donc, se retrouve
– pour la énième fois – au casino et est contrainte
de faire appel à sa voisine pour venir la chercher, même
plus de quoi se payer un taxi. Cette fois, un rêve l’a de
nouveau poussé au jeu, l’inconscient ramenant au crépuscule
de la vie le sang qu’elle a sur les mains…
Cette première partie est une période de latence, qui
prend fin avec le décès de notre excentrique « riche
» vieille qui perdait la boule, et là on la regrette un
peu parce qu’elle était le petit grain de folie du trio.
Avant de mourir, elle souhaite revoir à son chevet un homme,
son amant du passé qui n’aura pas le temps de la revoir
vivante mais va entamer le récit de tout ce qui a été
tu jusque là. Sa narration nous transporte quelques 50 ans en
arrière, en Afrique, dans un monde d’hommes, de propriétaires
terriens et esclavagistes où la seule femme qui y joue ce rôle
se trouve être celle qui vient de mourir. Il nous faut comprendre
les délires de la vieille sur le crocodile et la peur d’être
persécutée pour le crime commis…
Le récit de l’amant du passé nous dépeint
une femme élevée par son père, indépendante
et résolument moderne. Alors… Pourquoi une femme qui a
des couilles, qui chasse en savane et qui plus est ne rate jamais sa
cible, reste-t-elle avec son mari puisqu’elle en aime un autre
? Les conventions ? L’enfant qu’elle porte ? Qu’a
donné cette résignation ? Un mari décédé
prématurément. Une fille qui ne vient quasiment jamais
la voir – le Canada c’est pratique pour une mise à
distance géographique.
Alors quid de « l'éternel récit de la femme trop
vite mariée qui va trouver l'extase dans les bras d'un autre
» ?
Out of Africa ? Non vraiment, je n’ai pas fait le rapport. Question
de point de vue sans doute, d’âge aussi…
Pour moi, c’est ailleurs que ça se passe. Comment ne pas
se demander ce que sera notre vieillesse et de quoi seront fait les
ors passés ? Qu’adviendra-t-il de nous au moment de la
solitude ? Comment vivrons-nous nos souvenirs, nous arrangerons-nous
avec la réalité ?
Rien ne m’a semblé minuscule, mais tout simplement à
ses justes proportions, tel un bébé crocodile… Ce
film est un repos, une bulle, qui nous extrait de notre monde et parvient
totalement à nous faire oublier que ce monde existe, là,
aux portes du cinéma… et puisque mon voisin ne s’est
pas mis à ronfler – délicate ou pas, je l’aurais
pincé ! – j’avoue que je l’ai oublié
lui aussi et me suis laissé entraîner… parce que
j’ai trouvé ce film beau. Parce que quelque chose a raisonné
en moi. Et c’est peut-être ça le plus dur à
expliquer…
Karine Q, le 17 décembre
2012
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