Pour les ignares (dont je suis)
de toute la galaxie des super héros en collants et/ou masqués,
il est peut-être nécessaire de réinitialiser
quelques basiques... Batman se différencie de Superman ou
de Spiderman parce qu'il n'a pas de super pouvoirs. Juste des trucs
et des machins, du style gadgets sophistiqués, qui lui permettent
de s'en sortir, même dans les situations les plus compliquées.
Issu d'une famille très riche, aidé par un domestique,
il intervient dans la vie d'une ville pour aider la veuve et l'orphelin,
et mettre sous les verrous quelques méchants très
très vilains. Un peu Zorro, en quelque sorte. Mais sans sa
légèreté, sans son humour ni son aspect félin.
Batman est sombre, massif, dépressif, grave, bien en accord
avec le début de ce vingt-et-unième siècle
pas vraiment folichon. Dans le civil, il est Bruce Wayne, un gars
pas drôle du tout non plus, qui vit reclus dans une sorte
de château isolé.
Matt Reeves s'empare du personnage, et lui fait résoudre
une enquête policière sur fond de corruption politique.
Rien de bien nouveau, donc. Mais le réalisateur de Cloverfield
sait y faire quand il s'agit de créer un univers urbain anxiogène,
dont les déviances ressemblent fort à celles du vrai
monde. Son Batman n'est pas forcément un chic type, il a
quelques ambiguïtés et des problèmes avec l'usage
de la violence. Il se pose des questions, doute énormément,
a des regrets, se trompe, hésite, se prend des beignes, cherche
à faire de son mieux, comme un peu tout un chacun.
Le film est trop long, bien sûr. Il est à mi-chemin
entre la formidable noirceur désespérée du
Joker, et le
respect scolaire des attributs du super héros. Il se laisse
voir, largement. Certaines scènes sont carrément étonnantes,
presque géniales; d'autres frisent le ridicule. Matt Reeves
est tout de même bien plus qu'un simple faiseur d'images,
ou qu'un exécutant répondant aux volontés des
producteurs. C'est un cinéaste, authentique.