Tant de beauté formelle
associée à un humour si délicat… C'est
une succession de petits bonheurs, d'émotions artistiques,
sensuelles, profondes ou légères. Pas d'histoire véritablement,
comme dans "La
grande Bellezza", juste la chronique amusée d'un
palace quelque part dans les Alpes, d'une élégance
raffinée ou d'une crudité mordante. Les deux personnages
principaux, deux amis de longue date, aujourd'hui octogénaires,
devisent sur la vie qui passe, les amours passées, la création
(l'un est musicien, l'autre est cinéaste), ce qui les fait
encore vibrer, et puis l'observation de ceux et celles qui les entourent.
Bien évidemment, la chronique est parsemée de références
de tous horizons, de Maradona (incroyable vision d'un ancien artiste
du ballon, presque incapable de se mouvoir, et pourtant surpris
lors d'un instant de grâce, à jongler avec une toute
petite balle…) à Marisa Berenson dans Barry Lyndon
(l'une des silhouettes féminines de cinéma, exposées
comme un rêve dans une prairie, image hallucinante, à
la fois nostalgique, jouissive et dérangeante).
Tout cela pourrait avoir un aspect un peu factice, fabriqué,
de l'élégance glacée plaquée sur quelques
bons mots. Mais chaque scène éveille l'imagination,
Sorrentino parvient à garder une part de mystère dans
chaque personnage (les oreilles décollées et le sourire
énigmatique de la masseuse, que cachent-ils ?), il ne s'attarde
pas sur ses trouvailles visuelles, surprend toujours et encore avec
une digression, un corps dénudé, une larme…
La créativité constante n'écrase pas le spectateur,
celui-ci s'émerveille, voyage, retrouve des sensations oubliées,
se prend des claques avec une douceur infinie…
