Crialese possède
sa petite musique bien à lui pour raconter des histoires, avec
comme décor de prédilection, la mer et les bateaux qui
vont sur l'eau. Jouant entre une réalité historique
ou politique et un aspect théâtral, il est comme un conteur,
usant de procédés qui tiennent parfois plus des artifices
du spectacle vivant que du cinéma proprement dit. Cette terre
ferme est un espoir, un ailleurs peut-être meilleur, où
les grandes épopées du Monde ne sont jamais loin. Une
mère et son enfant recueillis par une famille de pêcheurs
et brisée elle-même par la disparition récente
d'un des leurs, une action circonscrite dans un milieu clos, une sorte
de chœur qui commente les éléments, y prend part
tout en ayant un regard détaché… ce sont bien
là les composantes d'une tragédie possible. Les interrogations
des différents personnages, tentant de vivre, parfois juste
survivre, sans trahir leurs valeurs, nous les rendent humains, terriblement
humains, très proches malgré l'aspect légèrement
hors du temps réel.
Au final, c'est bien une colère profonde que l'on ressent,
un effarement face à tout ce qui est mis en œuvre par
les Etats pour combattre l'immigration, pour rejeter ces hommes et
ces femmes dans une misère incroyable, autant morale que matérielle,
tout cela au mépris total des valeurs humaines essentielles.
Pour deux ou trois "justes", combien de lâches, combien
d'individus sûrs de leurs droits, cherchant à préserver
un petit confort péniblement acquis, et pour cela, capables
du pire…
Terraforma montre tout cela parfois lourdement, parfois maladroitement,
mais son allure de fable et la petite musique de Crialese donnent
à l'ensemble une certaine force, s'inscrivant au même
titre que "Welcome",
dans la série des films offusqués, criant contre l'injustice
mondiale.
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