Suzanne, comme le personnage
joué par Sandrine Bonnaire dans "à nos amours".
Est-ce un hommage à Maurice Pialat ? Un clin d'œil peut-être
involontaire ? Katell Quillévéré raconte vingt-cinq
ans de la vie d'une femme et de son entourage en faisant l'impasse
sur les évènements les plus marquants, les naissances
ou les morts, que l'on apprend par déductions, entre les
ellipses. Dans sa façon de filmer, de mettre en scène
les personnages, d'organiser son récit, il y a quelque chose
de profondément original et aussi une sorte de reconnaissance
de l'influence d'un cinéma de l'émotion brute. C'est
beau pas parce que l'image est belle ou parce que les rapports entre
les personnages nous donnent du bonheur ou de la douceur, mais bien
parce qu'on sent une grande sincérité dans tout ce
qui se passe à l'écran. La jeune réalisatrice
en est à son deuxième long métrage et après
"un poison violent",
elle confirme un talent singulier et une direction d'acteurs formidable
: Sara Forestier est magnifique, sombre et lumineuse, forte et fragile
; Adèle Haenel apporte une présence incroyable, elle
fait croire à l'indépendance de son personnage ; mais
celui qui étonne le plus, c'est François Damiens,
comme Galabru ou Lio dans "un poison violent", il est
transfiguré, débarrassé de son étiquette
de gros balourd qui fait rire.
On pourra reprocher au scénario de passer par un peu trop
de noirceur, et que les notes d'espoir ne s'y insèrent que
par des artifices, mais au final, on en sort secoué, mélancolique,
atteint. C'est aussi cela, le cinéma.