Cet
été-là, tout change pour Anna. Elle prépare
sa confirmation, dernière étape dans sa vie de croyante.
Mais la naissance de son désir pour Pierre, un garçon de
son âge, la fait vaciller. Une part secrète d’elle-même
cherche à se donner corps et âme, à Dieu ou à
quelque chose d’autre…
Avec
Clara
Augarde, Lio, Michel Galabru, Stefano Cassetti, Youen Leboulanger Gourvil
Sans doute est-il un peu prématuré
de parler de la naissance d’une cinéaste, mais il y a
là beaucoup de raisons de s’enthousiasmer…
Katell Quillévéré aborde sans détours
un sujet rarement traité dans le cinéma français
contemporain : l’opposition entre le corps et l’esprit,
la naissance du désir venant bouleverser ce que l’on
pensait inébranlable. Dans la façon de dérouler
son récit, pas d’ostentation, pas de volonté non
plus de brûler ce que l’on a probablement adoré
: les différents évènements (factuels ou spirituels)
sont décrits avec une grande finesse, sans éviter la
violence possible sous-jacente. Le "poison" du titre peut
être considéré de multiples façons, l’amour
charnel dévastateur, la foi qui enferme, le doute qui s’instille
partout… Tant d’intelligence et de réflexion dans
un premier film peut surprendre, on est plus habitué à
un étalage de style pour une première œuvre, pas
vraiment à une richesse de sens.
Katell Quillévéré ne travaille pas pour autant
sans recherche d’une certaine forme, mais celle-ci est au service
du fond. La réalisatrice parvient avec peu d’effets à
faire sentir la complexité des sentiments et des relations,
et parfois aussi la sérénité, la simplicité,
la clarté des sensations de la jeune fille.
Le choix des acteurs et la façon de les diriger sont également
étonnants : Clara Augarde impose un personnage d’adolescente
sans portable ni tics de langage propres à sa génération
et pourtant tout à fait crédible. Lio est comme on ne
l’a jamais vue, il fallait une belle audace pour l’imaginer
en provinciale (très) croyante, sans fards et sans excentricités…
Et Galabru est magnifique, complètement lui-même et renouvelé
quand même, débarrassé de ses pitreries et pourtant
drôle.
Le film se clôt sur la version de la chanson Creep par la chorale
Scala : une vraie merveille, en parfaite adéquation avec ce
que semble ressentir la jeune fille : un besoin d’emphase, de
plénitude, de passion sereine. Longue vie à cette graine
de chef d’œuvre, sortie en plein été, pas
forcément le meilleur moment pour ce film fragile mais vibrant,
dont on sort avec beaucoup de questions, et d’images qui restent
imprimées fortement.