L'univers de Denis Villeneuve
est impressionnant, spectaculaire, utilisant toutes les ficelles
d'un cinéma d'action intelligent, cherchant à faire
passer un message derrière le suspense, les fusillades, les
regards de gros durs… Dans "Incendies",
ou "Prisoners",
cela fonctionnait à merveille. Ici, le thème est peut
être un peu trop rebattu pour vraiment surprendre. Le film
somme "Traffic" de Soderbergh reste inégalé,
traitant des cartels de la drogue en multipliant les points de vue
et les personnages. Dans ce "Sicario", le scénario
laisse de grandes zones d'ombre, quitte à rendre l'ensemble
du film un peu déstabilisant par trop d'opacité, en
ne voulant pas trancher ou juger. Le récit atteint parfois
une certaine abstraction, en allant chercher l'inspiration visuelle
du côté du jeu vidéo. C'est donc plutôt
réussi du point de vue de l'aspect visuel et sonore (musique
lourde, étouffante, parfaite !), un peu moins efficace sur
la narration. Le spectateur, homme ou femme, ne peut que suivre
le cheminement du personnage joué par Emily Blunt, sorte
de candide qui ne sait si elle est manipulée ou bien véritablement
actrice importante des actions menées. Elle est très
juste dans un mélange d'innocence, de révolte et de
sidération. En face d'elle, Benicio Del Toro impose sa carcasse
lourde et silencieuse, impressionnant de force et de détermination.
Au final, un film qui ne choisit pas entre le divertissement propre
aux œuvres d'espionnage et la dénonciation d'une situation
qui finit par bien arranger les puissants de ce monde.