Saint Laurent

Bertrand Bonello

L'histoire

Des instants de la vie d'Yves Saint Laurent, entre 1967 et 1976.

Avec

Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Léa Seydoux, Louis Garrel, Amira Casar, Helmut Berger, Aymeline Valade

Sorti

le 24 septembre 2014


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Le patchwork,
ça n'est pas de la haute couture…

 

Qu'est-ce qui fascine donc tant les cinéastes dans la vie du couturier Yves Saint Laurent ? Deux films sur le même personnage, sortant à moins d'un an d'intervalle, c'est de la maladresse ou de l'acharnement ? Si on a la chance (ou la malchance, c'est selon) d'avoir vu les deux œuvres, il est bien sûr impossible de ne pas comparer. Le réalisateur de Saint Laurent assure ne pas avoir voulu faire un "biopic" et n'avoir pas visionné le film de Lespert, il y a beaucoup de correspondances, ressemblances, mais aussi façons différentes de raconter les mêmes évènements, ou de montrer les mêmes personnages.
La comparaison n'est pas à l'avantage du film de Bonello, même si celui-ci, de toute évidence, a un sens plus artistique que Lespert. Il y a ici beaucoup d'idées de mise en scène, de l'originalité, des fulgurances (Ulliel répétant "je vous le demande" à Aymeline Valade pour qu'elle vienne travailler pour lui, ou bien un silence soudain lorsque le maître après une longue absence débarque quelques minutes avant un défilé,…) qui cependant ne masquent pas un cruel manque de cohérence dans le récit. Des personnages apparaissent d'on ne sait où (Loulou de la Falaise, par exemple) et disparaissent sans qu'on sache pourquoi. Les aspects économiques de l'entreprise YSL sont tout d'un coup extrêmement détaillés au cours d'une interminable séance avec des anglais ou des américains (?), visiblement des financiers, puis sont totalement abandonnés. Plus gênant, le mal de vivre d'Yves Saint Laurent survient comme un pli dans une robe, impossible d'en comprendre la cause… C'est un patchwork dont certains des morceaux sont assez beaux, et même prenants, mais l'ensemble est loin d'être de la haute couture. La fin, entremêlant la fin de vie du couturier (joué alors par Helmut Berger) avec la décennie des années 70 vire au grand n'importe quoi narratif, ça n'est pas désagréable, c'est presque anecdotique et décoratif, mais cela va sans doute à l'encontre de la volonté du réalisateur. Le film de Lespert n'avait sans doute pas autant de créativité mais il tenait en haleine et certains moments étaient réellement magnifiques (le défilé de la collection 76, vu dans les deux films, est presque fade dans la version de Bonello, au regard de celle de Lespert…) ; l'on se prend, ici, à s'ennuyer en passant d'une séquence à l'autre.
La composition de Gaspard Ulliel est assez forte mais n'atteint pas celle de Pierre Niney qui incarnait de tout son être un personnage qu'on découvrait. Ulliel est plus dans quelque chose d'extérieur, un ensemble de mimiques, de gestes, une voix haut perchée, une barbe postiche (ou pas). Niney avait tout cela lui aussi, mais il semblait que tout venait de l'intérieur, que tout était plus senti. Quant à Jérémie Renier, il est très, très loin de l'aspect indestructible qu'avait réussi à donner Gallienne dans le rôle de Pierre Bergé. Il n'apporte aucun contrepoint au personnage de Saint Laurent.
On attend donc un troisième film sur le couturier, qui allierait l'intelligence du récit et la qualité des acteurs de la version Lespert et le sens artistique de la version Bonello… et puis non, ça suffit maintenant, passons à autre chose, Saint Laurent une fois, d'accord ; deux fois, ça lasse ; trois fois, au secours…

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