Solveig Anspach s'appelle Solveig
(sans blagues !), comme dans la chanson de Solveig, extraite de
Peer Gynt de Grieg. Et dans le film, du haut de la grue, on entend
un extrait de Peer Gynt. Oui, parce qu'il y a une grue, qui domine
Montreuil et permet bien sûr de prendre de la hauteur, voir
où l'on peut trouver de la bonne herbe, "where to by
it" et au passage, voir aussi où en est sa propre existence.
Samir Guesmi, avec sa tête de bon samaritain, est le grutier,
complètement improbable (et donc très réaliste,
la vie est un long défilé d'évènements
improbables, non ?) tout comme la poétesse islandaise tombée
du ciel qui se retrouve également à la manœuvre
d'une grue, sur un chantier invisible dont le chef est un trou du
cul (ce n'est pas moi qui le dis, c'est la poétesse). Ça
lui permet d'observer les gens dans leur quotidien… vus de
là-haut, ils racontent des histoires avec leurs allers et
venues, et tiens, voilà qu'elle repère sa robe de
mariée qu'elle avait perdue. Drôle de mariée,
cette islandaise. Elle semble avoir soixante ans mais s'habille
comme si elle en avait vingt, elle ressemble beaucoup à cette
femme complètement déjantée vue dans "Back
soon", de la même réalisatrice, et ça
n'est pas tout à fait surprenant cette ressemblance, c'est
la même actrice qui fait les deux personnages. Dans Back soon,
elle vendait de l'herbe, ici elle en consomme.
Il y a aussi une urne funéraire qui cherche sa place, comme
les morts dans les cœurs et dans les souvenirs, un phoque déprimé,
des amis qui viennent donner des conseils de survie à une
toute jeune veuve pour mieux vivre "cette période".
C'est quoi, cette période ? Le deuil ? L'oubli ? La dépression
? Un pétard géant qui durerait une année ?
Et puis Montreuil, que Solveig Anspach filme comme Klapisch avait
montré son onzième arrondissement dans "Chacun
cherche son chat". Tout le monde (ou presque) voudra habiter
dans ce Montreuil bohème, où aucune porte ne semble
fermée. C'est chacun cherche son phoque, ou son pétard,
ou sa robe de mariée…
Au milieu de tout ça, la Loiret-Caille. Un petit oiseau,
plus solide qu'il n'y paraît. Un concentré d'humanité,
qui fait rire et pleurer le spectateur, exactement en même
temps, comme lorsqu'elle raconte la mort de son compagnon…
Emouvante, drôle, bohème mais pas bourgeoise, on l'imagine
comme son personnage. Trop belle, la Loiret-Caille. Une luciole,
une brindille, un haïku, une larme de bonheur…