C'est un peu Réparer
les vivants au pays de l'adoption… Très documenté,
et même parfois tellement qu'on se croirait dans un documentaire…
Le parcours d'un bébé abandonné à la
naissance, qui ne dit rien tout comme le cœur transplanté
de Réparer les vivants, mais qui regarde, entend,
écoute, comprend sans doute beaucoup de choses, en tous cas
les perçoit, et puis pleure ou ne pleure pas, se met tout
d'un coup à rigoler, reçoit de l'amour, immensément,
et finit par en donner. En cela, le bébé de Pupille
est bien sûr plus vivant, plus complètement humain
que le cœur de Réparer les vivants qui n'était
qu'un outil, certes vital, symbolique aussi, mais tout de même,
juste un outil.
Ce bébé, cet enfant, ce morceau d'humanité
passe de main en main, de ventre en main, d'oubli en obsession,
de cauchemar en rêve le plus fou, le plus illuminant. Tous
les personnages qui ont à voir avec lui sont dessinés,
parfois juste une silhouette, parfois une présence éphémère
mais capitale, parfois un accompagnement au long cours et au plus
proche, souvent professionnel : formidable hommage à tous
ces travailleurs de l'essentiel, que l'on dit parfois sociaux, mais
qui pourraient être dénommés vitaux, des éducatrices,
des assistants familiaux et autres intervenants dont la tâche
est immense et tellement importante…
Jeanne Herry parvient à faire de chacun de ces personnages
un véritable héros du quotidien, investi au plus profond,
et totalement crédible parce qu'elle n'oublie pas de les
doter de faiblesses, de blessures, de failles, d'espoirs déçus,
bref tout ce qui fait une vie en plus de ce qui va bien (oh, peu
de choses, finalement, non ?). Le film est drôle, émouvant,
instructif, beau, terriblement prenant, et donne aux acteurs l'occasion
d'être tout cela aussi. Jamais on n'a vu Gilles Lellouche
aussi crédible dans un rôle, débarrassé
de son étiquette de macho rigolo, Elodie Bouchez, en deux
scènes entre autres (ouverture et fermeture du film), vous
fait tomber par terre et lâcher toutes vos résistances,
et Sandrine Kiberlain parvient à être drôle dans
ses désespoirs et bouleversante d'énergie. C'est monté
au millième de seconde (timing parfait, silences compris),
c'est un bonheur de film.