Il est bien certain qu'on a rarement
l'occasion de voir Poelvoorde dans ce type de rôle. Dans "Entre
ses mains", avec Isabelle Carré, il ne faisait pas
l'andouille (il fait très bien l'andouille, mais à
force de le voir en pitre, on ne sait plus qu'il est capable de
jouer d'autres rôles, comme dans "les
émotifs anonymes"). Ici non plus, Poelvoorde ne
fait pas l'andouille, il fait le photographe. Enfin, presque. En
vrai, les photos que l'on voit sont de Michael Ackerman. Elles sont
fort intéressantes et donnent envie d'en savoir plus sur
cet artiste.
Poelvoorde fait aussi le désabusé alcoolique, fatigué
par la vie et ses obligations. L'amoureux, aussi. Un peu transi,
sans un geste envers celle qui fait battre son cœur, mais avec
des mots qui pèsent sans jamais aller jusqu'à la déclaration.
Il fait tout cela très bien, avec une vraie personnalité,
sans imiter personne, il apporte quelque chose de vraiment nouveau
à ce type de personnage. On imagine Bacri ou un autre acteur
à sa place… et puis au final, non, Poelvoorde en impose,
avec une fragilité surprenante, dans la voix et la gestuelle.
En face de lui, il y a une actrice, jeune et jolie, censée
apporter une part de mystère. Elle est beaucoup trop lisse,
manquant de charme, d'épaisseur, récitant son texte
bien trop sagement, certes transfigurée sur les photos d'Ackerman,
mais dans le film, insignifiante. Ce profond déséquilibre
entre les deux protagonistes rend le film particulièrement
bancal, parfois écorché, troublant, émouvant,
mais aussi à d'autres moments proche du ridicule, du cliché
(oui, c'est facile, puisqu'on y parle photos…), de la caricature.
Fabienne Godet ne réussit pas à emporter le spectateur,
comme elle l'avait fait sur un terrain plus social avec "Sauf
le respect que je vous dois". En passant du côté
de la tragédie amoureuse, elle semble perdre de sa force,
de sa sincérité.