On se doute bien dès la
première rencontre entre ces deux handicapés des rapports
humains qu’il y aura des étincelles entre eux, et plus
si affinités. On s’en doute, mais le voyage qu’ils
nous offrent au pays des sentiments qu’on n’ose pas déclarer
est d’une telle délicatesse qu’on ne sait plus,
au bout de quelques minutes si ce sont les rires ou les larmes (d’émotion)
qui l’emporteront au final. Ce bout de chemin partagé
apporte du bonheur, du vrai bonheur. Comment ne pas se sentir comme
eux, comment ne pas tomber et défaillir, comment résister
à leurs approches maladroites, leurs sourires et regards ne
cachant rien, comment ne pas avoir envie de dévorer leurs chocolats…
Isabelle Carré n’a pas ici la classe naturelle qu’elle
pouvait afficher dans "quatre étoiles", elle diffuse
un autre charme tout aussi ravageur, fondé sur la candeur,
les doutes, le manque d’assurance, le contraire de la femme
qui sait ce qu’elle veut et l’obtient.
Benoît Poelvoorde est géantissime. Il évite de
faire du Poelvoorde, il tient son personnage d’un bout à
l’autre et on a vraiment l’impression (c’est presque
physique) de ce trop-plein d’émotion qui le submerge,
lui donne des ailes et même, lors d’une scène intense
et drôle à la fois, une voix pour chanter des mots d’amour.
On retient son souffle, on est porté, le sourire aux lèvres.
Ces deux-là n’ont rien de triomphant, elle est un ange
(elle s’appelle Angélique Delange) sans ailes, très
humain, fragile, sujette aux évanouissements, au hoquet intempestif,
au renoncement hâtif. Lui adore les femmes, elles le terrorisent.
Il aime le chocolat, il n’en fabrique que du banal, du désuet.
Il est simplement magnifique.
Le scénario a la grande intelligence de se concentrer sur les
deux personnages, dont on ne connaîtra pas les parents, ni les
frères ou les sœurs, ou même les amis (mais peuvent-ils
en avoir ?) La mise en scène parvient à prendre le goût
du chocolat : amertume et douceur, plaisir et étonnement, ça
fond doucement en laissant une impression de puissance. Absolument
pas réaliste, dans des ambiances, des décors et des
costumes volontairement non datés, sans téléphone
portable mais avec une webcam pour de rire, c’est un poème
amoureux, à voir en couple, on en ressort le cœur d’une
légèreté absolument délicieuse.