Prenez un chauffeur de bus qui
se prénomme comme la ville dont il sillonne les rues avec
son véhicule et qui écrit des poèmes sur le
quotidien. Genre haïkus, les poèmes. En un peu plus
longs, mais dont l'aspect poétique m'échappe. Rajoutez-y
sa compagne, jolie comme un cœur (C'est Golshifteh !), artiste
dans l'âme, obnubilée par le noir et le blanc et qui
a des petits gémissements complètement craquants quand
le chauffeur de bus, avant d'aller bosser, lui fait quelques bisous
alors qu'elle dort encore. Saupoudrez de quelques vues sur leur
chien, une sorte de bouledogue qui passe son temps vautré
dans un fauteuil mais adore se promener avec son maître. En
accompagnement, quelques scènes dans un bar où tout
le monde a l'air un peu endormi. Goûtez. Prenez-en sept fois,
autant qu'il y a de jours dans la semaine, et ne vous étonnez
pas de la fadeur du mélange. C'est normal, il ne se passe
rien ou presque, et chaque jour est un remake du précédent,
avec quelques micro changements, quelques micro évènements.
Bon, c'est tout de même beaucoup moins pénible que
The limits of
control, mais très, très nettement moins
prenant que Broken
flowers. Et comme c'est du Jarmusch et que le bonhomme
a de la suite dans les idées, tout cela se ressemble, ce
sont des films très structurés, répétitifs,
des catalogues de variantes sur un même thème, avec
des références musicales, littéraires, cinématographiques.
Lorsqu'il s'agit de visiter ses anciennes amantes, cela peut être
drôle et touchant (les fleurs cassées); quand la scène
répétée à satiété est
quasiment abstraite, c'est d'un ennui mortel (les limites du contrôle).
Ici, c'est le quotidien, la poésie du bonheur banal qui est
à l'honneur. Perso, juste le fait de partager sa vie avec
Golshifteh me semble tellement délicieux que j'aurais imaginé
un récit un peu plus bouleversant, un peu plus palpitant.
C'est d'ailleurs ça qui prédomine, cette mollesse
du palpitant.