Jarmusch a inventé un nouveau
concept, après le comique de répétition, il parvient
à nous faire ressentir très profondément l’ennui
de répétition. On a le droit à la même
scène six ou sept fois dans le film, avec à chaque fois
des micro-variantes. La scène serait drôle, ou passionnante,
ce serait formidable, mais non, on voit un gars patibulaire qui commande
deux cafés séparés, et pendant qu’il les
regarde plus ou moins fixement, un acteur très connu arrive
(ou une actrice) avec une dégaine improbable, et commence toujours
la conversation par "vous ne parlez pas espagnol ?" ; s’ensuit
une sorte de monologue sur ce qui le passionne, l’art, la musique,
la peinture,… avec toujours dans la tirade la même phrase.
Puis le gars patibulaire sort une boîte d’allumettes,
l’autre aussi, il y a échange et dans celle que garde
le gars patibulaire (vous voyez, c’est pénible, les répétitions,
non ?), il y a un petit papier plié. Le gars patib… (oui,
vous avez compris) le déplie, le regarde vaguement, il y a
toujours une série de chiffres et de lettres qu’il est
inutile de chercher à lire, ça ne vous servira à
rien, puis il mange le papier, et le fait passer avec le café.
A chaque fois, ça dure bien entre cinq et dix minutes, et au
bout de la troisième, vous avez envie que se pointe un accessoiriste,
qu’il lui balance les deux tasses à la figure, puis qu’il
lui fasse recracher tous les petits papiers et qu’il s’en
aille, non sans avoir allumé un feu de joie avec les allumettes.
Bien sûr, entre ces pseudo-scènes, il y a d’autres
images très travaillées, accompagnées de tirades
fumeuses bourrées de références, dont l’une
parle du chef d’œuvre d’Orson Welles, "la dame
de Shanghai" pour dire que ça n’a ni queue ni tête.
C’est probablement de l’humour, mais venant au milieu
d’un film aussi vide et qui lui-même n’a aucun sens,
c’est d’une bêtise prodigieuse.
Jarmusch s’est peut-être fait plaisir à tourner
ce machin, mais le résultat est d’un ennui immense et
d’une prétention affligeante. Fuyez !