Confrontation de classes sociales,
de cultures, d'expériences de vie, le sujet est vaste, riche,
propice à la comédie comme à la tragédie.
Le récit commence avec une accumulation de clichés,
avec d'un côté le jeune prof de philo parisien exilé
en province, incollable sur Kant et la musique contemporaine, et
de l'autre la mère célibataire, coiffeuse, adepte
du karaoké et fan de Jennifer Anniston...
Tout serait donc prévisible, attendu, écrit d'avance
? Sans réelles surprises, le scénario est pourtant
bien plus fouillé qu'une banale comédie (romantique
ou pas) ou qu'un drame psychologique convenu. Ne s'embarrassant
pas de seconds rôles (ou si peu, et de façon très
anecdotique), il creuse les personnages, les situations, posant
pas mal de questions sans donner de réponses toutes faites.
Au final, les spectateurs n'auront pas tous la même vision
de ces deux êtres pour qui tout pourrait sembler simple et
tracé par avance, et dont la rencontre change leurs trajectoires
respectives et leurs façons de considérer les choses
de la vie. Même si parfois le film prend un aspect théorique
et souffre alors de dialogues un peu trop écrits et de situations
peu crédibles, l'ensemble reste intéressant jusqu'au
bout, avec une interprétation de haut vol, Emilie Dequenne
prouvant une nouvelle fois qu'elle peut presque tout jouer : ce
rôle est formidablement lumineux, tellement loin de la folie
sombre de "à
perdre la raison"...
Le film de Claude Goretta, "la Dentellière", abordait
sensiblement les mêmes thèmes, avec la relation de
deux personnages opposés culturellement et socialement, mais
l'œuvre de Lucas Belvaux semble moins fermée, ne pose
aucun jugement sur les actions et les paroles des protagonistes.
Pas de sentence, pas de regard lourd du réalisateur sur ce
qui se passe. Son genre à lui, c'est d'émettre quelques
hypothèses, sans démontrer quoi que ce soit par la
suite, c'est au spectateur de se forger sa propre opinion...