Trop tôt,
trop proche du fait divers dont il est inspiré, le film de
Joachim Lafosse propose une relecture des non évènements
qui ont conduit une mère de famille à tuer ses propres
enfants. A l'issue de la projection, on est partagé entre d'une
part la gêne procurée par la proximité avec la
réalité, créant une polémique inévitable
(peut-être une distance eût-elle été salutaire,
distance temporelle et scénaristique) et d'autre part l'évidente
maestria pour faire naître un malaise sans démonstration.
La dépression qui vient de loin, et surtout dont on ne sait
où, monte lentement, s'insinue alors qu'aucun des personnages
qui côtoie la jeune femme ne se montre malveillant. Ce sont
quelques phrases, ou parfois juste deux mots, des regards, des situations
où tout le monde ne fait sans doute pas exactement ce qu'il
faudrait, mais dont on se dit qu'elles ne peuvent pas engendrer une
telle descente aux enfers. Et pourtant c'est le cas. Emilie Dequenne
incarne de façon incroyable cette jeune mère de plus
en plus fatiguée, perdant tous ses repères, ne comprenant
pas ce qui lui arrive, ne parvenant pas à se rattraper aux
quelques perches qu'on lui tend. C'est d'autant plus glaçant
et prenant qu'on se dit que cela pourrait arriver à n'importe
qui… Les deux hommes, Arestrup et Tahar Rahim, l'un en père
adoptif étouffant et l'autre en jeune homme trop gâté
incapable d'efforts, forment un drôle de couple, insupportable
pour les autres sans s'en rendre compte. Le récit suggère
bien plus qu'il ne montre et à aucun moment il ne juge les
uns et les autres. Malgré l'absence de délicatesse pour
les véritables protagonistes de l'affaire, c'est un film fin
et troublant…