Le film précédent
de Martin Provost mettait en lumière un personnage étonnant,
Séraphine, et
une actrice, Yolande Moreau. C’était une explosion de
couleurs, d’impressions, il y avait quelque chose de magique
dans cette histoire de transfiguration.
Ici, dans cette nuit qui se demande où elle va, point de lumière,
ou pratiquement pas. Même l’éclaircie finale est
un crépuscule, le retour à l’obscurité
est la seule issue… Tout semble lourd, marqué par le
poids du passé, l’atmosphère est particulièrement
oppressante, autant du point de vue des éclairages privilégiant
les gris et une absence de contrastes, que de l’ambiance sonore
: musique minimaliste, peu de dialogues et lorsqu’il y en a,
on sent la gêne constante des personnages, leur difficulté
à s’exprimer avec sincérité, ils vivent
dans la crainte de ce qu’ils vont dire, de ce qu’ils vont
entendre.
Même lorsque le personnage joué par Yolande Moreau tente
de remonter à la surface, et parvient à s’offrir
quelques petits instants qui ressemblent aux débuts timides
d’une esquisse de petit plaisir, cela reste marqué par
le poids terrible d’une certaine fatalité, d’une
évidente culpabilité… On peut être touché,
et même bouleversé par cette histoire sombre et fermée,
on peut aussi rester sur le bord : la mise en scène ne rend
pas la femme attachante, sans doute est-ce voulu mais la distance,
nécessaire peut-être, n’aide pas à ressentir
ne serait-ce qu'un peu d'empathie pour elle. Les hommes, le mari bien
sûr, mais aussi le fils et ses amis n’ont pas non plus
ce petit quelque chose qui pourrait créer une identification,
même lointaine. Le seul personnage "positif" est celui
joué par Edith Scob, comme un ange protecteur et salvateur,
un peu mystérieux quant à la nature de ses motivations.
Il donne à la dernière partie du film un aspect plus
doux, une humanité, enfin. Mais cela vient bien tard, l’impression
générale est trop lourde pour être relevée…