Kelly Reichardt nous avait habitués
à des œuvres plongées en pleine nature, la forêt
luxuriante et presque étouffante dans "Old
Joy", le désert brûlant et mystérieux
dans "la dernière
piste", avec une lenteur hypnotique et des personnages
forts à qui il n'arrivait pas grand-chose. Ici, dans ces
"mouvements nocturnes" visant à perpétrer
un attentat contre un barrage, si la lenteur est aussi de mise,
le scénario est plus fourni, l'histoire a son importance.
Il en ressort pas mal d'ambiguïté quant au message délivré
: la réalisatrice dénonce-t-elle le progrès
qui détruit l'équilibre naturel ? Ou bien pose-t-elle
un regard sévère sur ces écologistes radicaux,
pas vraiment charismatiques et vivant sans aucun plaisir ? L'absence
de prise de position claire peut être gênante, mais
on ne peut pas nier qu'elle pose un certain nombre de questions
relatives aux actions possibles (ou pas) face aux aberrations de
la croissance à tout prix. Finalement, il s'agit moins d'un
film écologiste qu'une œuvre sur la conscience de chacun,
sur ce que chaque individu est prêt à faire, sur le
passage à l'acte en fonction de convictions. Du coup, la
fascination due à la nature que l'on pouvait ressentir dans
"Old Joy" ou "la dernière piste" passe
ici au second plan au profit d'une tension constante, autant dans
les préparatifs de l'attentat que dans les relations entre
les trois personnages. Il y a du suspense, et même si le spectateur
ne sait plus très bien s'il doit souhaiter la réussite
ou l'échec de l'opération, il y a beaucoup de chances
qu'il reste scotché, en attente, et ce jusqu'à la
toute fin du film.