Le western, révolu (?),
n’en finit plus de renaître, avec quelques splendeurs,
comme le contesté mais fabuleux (j’insiste) "There
will be blood"… Cette "dernière piste",
ou plutôt, comme le dit mieux le titre anglais, ce "raccourci
de Meek", ose la radicalité et bouscule franchement tout
ce qu’on croit savoir sur la conquête de l’Ouest
et ce qu'en a montré le cinéma. Pas une seule bourgade,
pas de saloon, pas de shérif, pas de vengeance ou d’honneur
à sauver, juste une poignée d’hommes et de femmes
perdus dans un désert de poussière. Kelly Richardt avait
déjà filmé la nature sauvage dans "Old
Joy", une nature luxuriante mais un peu oppressante, enfermant
deux amis dans le silence. Ici, le vert de la forêt laisse la
place aux teintes orangées, jaunes ou grises, et malgré
les espaces gigantesques autour des personnages, ceux-ci sont comme
enfermés eux aussi. Le silence règne, troublé
par le bruit des pas ou le grincement d’une roue de chariot.
Tout est lent, chaque pas compte, ceux qui aiment les belles histoires
semées d’évènements palpitants risquent
d’être profondément déçus…
Mais ce road-movie sans route, sans même un chemin, peut aussi
hypnotiser, comme une ode lancinante à la beauté de
l’inconnu. Un inconnu d’autant plus inquiétant
que les menaces qu’il contient ne sont que le fruit de l’imagination
de ceux qui l’explorent. Les femmes s’en sortent bien
mieux que les hommes, le personnage joué par Michelle Williams
(décidément, en quelques films, cette actrice n’en
finit plus de séduire) a quelque chose d’infiniment terrien,
acceptant de se confronter à une nature ni hospitalière,
ni hostile, juste profondément mystérieuse.