Xavier Giannoli s'est toujours
intéressé aux personnages portant en eux une folie
douce, un rêve légèrement (ou totalement) extravagant.
Le chanteur de bal dans "Quand
j'étais chanteur" ou l'escroc dans "A
l'origine" ont une énergie étrange qui les
incite à repousser les limites de l'impossible, parfois sans
s'en rendre compte. Ils vivent dans un monde qui n'est pas tout
à fait réel, et emportent avec eux quelques autres
rêveurs qui n'attendent que ça…
Pas étonnant, alors, que la personnalité de Florence
Foster Jenkins, très riche cantatrice américaine,
chantant terriblement faux, ait séduit le réalisateur,
même si celui-ci a transposé son histoire en France,
en modifiant plusieurs aspects de sa vie.
Marguerite, interprété par Catherine Frot, est donc
une sorte de monstre, comme le dit son mari, dont une grande partie
de son entourage se moque et profite d'elle, de sa richesse, de
sa candeur, et qui finit par émouvoir. C'est dans cette émotion
que le film prend sa source, lorsqu'il parvient à être
drôle et cruel en même temps.
Le récit est très classique, linéaire, sans
énormes surprises, mais ample, généreux, n'en
faisant pas trop dans la reconstitution (et pourtant il s'agit du
premier film d'époque de Giannoli). Catherine Frot est bien
sûr époustouflante, pleine d'assurance et pourtant
distillant la possibilité du doute, sur ses qualités
de chanteuse. L'arrivée de Michel Fau relance l'intérêt,
son personnage à lui tout seul mériterait un autre
film, alors que dans le même temps, celui de Christa Théret
(la jeune et jolie chanteuse qui monte…) reste très
fade et n'apporte pas grand-chose.
Au-delà de l'anecdote, au-delà de l'histoire de la
chanteuse qui chantait faux et qui faisait rire, le film interroge
sur le mensonge, sur ce qu'il convient de cacher à ceux qu'on
aime, sur le regard et la confiance qu'on porte à soi-même,
tout cela en ayant l'intelligence de ne pas donner de réponses
toutes faites.